Qui était June Almeida ? Une virologue écossaise, morte en 2007, à l'âge de 77 ans. Une grande scientifique, qui a aussi bien travaillé sur l'étude du cancer et de l'hépatite B que sur celle des rhumes et du VIH. Toute sa carrière durant, cette pionnière n'a eu de cesse de scruter les virus. Et c'est cette érudition qui l'a amenée, en 1964, à identifier un tout nouveau type d'entité virale : le coronavirus.
Bien avant le Covid-19, cette native de Glasgow a donc découvert le tout premier coronavirus, au sein de l'hôpital St Thomas de Londres. Alors qu'une pandémie mondiale bouleverse le monde, et que l'étude du virus semble chaque jour amener de nouvelles informations scientifiques, il est plus que temps d'honorer la mémoire de cette virologue et biologiste qui démontre que, décidément, les femmes ont toujours été "en première ligne" dans cette lutte médicale et sanitaire qui, aujourd'hui, agite le globe.
"13 ans après sa mort, June Almeida obtient enfin la reconnaissance qu'elle mérite en tant que pionnière", s'enthousiasme la BBC. Et ce n'est pas trop tôt. Car le CV de cette chercheuse aux découvertes désormais plus utiles que jamais est impressionnant. Fille d'un chauffeur de bus, cette passionnée de sciences déserte rapidement l'école pour devenir technicienne de laboratoire en histopathologie (l'étude médicale et microscopique des tissus humains) à la Glasgow Royal Infirmary. Son mariage avec l'artiste vénézuélien Enriques Almeida à l'âge de 24 ans ne bouleverse en rien sa carrière : elle fait très vite état de ses talents à l'Ontario Cancer Institute de Toronto, le regard fixé sur son microscope électronique.
Des talents ? Plus encore, des innovations. June Almeida met par exemple en place une nouvelle méthode pour mieux visualiser les virus au microscope : utiliser des anticorps. C'est riche de ces savoirs qu'elle se dirige ensuite vers la St Thomas's Hospital Medical School de Londres (là-même où un demi-siècle plus tard sera traité le Premier ministre Boris Johnson, infecté par le coronavirus). Et c'est à ce moment-là, en étudiant des échantillons nasaux prélevés sur des volontaires faisant état des symptômes du rhume, que la virologue découvre un virus grippal quelque peu différent des autres et dont la forme, perçue au microscope, épouse les contours d'une couronne. En 1964, la scientifique vient de mettre des mots sur le premier type de coronavirus.
L'applaudit-on pour autant ? Vous vous doutez de la réponse : pas vraiment. Si ses compétences sont reconnues, la communauté scientifique considère cependant que les images et constats qui ressortent de son étude "ne sont que de mauvaises représentations des particules du virus de la grippe". Autrement dit, ses conclusions sont rejetées. Ce qui n'empêchent pas ces photographies du premier coronavirus d'être publiées dans la revue professionnelle Journal of General Virology trois ans après cette découverte. Selon la BBC, on doit l'intitulé "coronavirus" (dû à sa forme de couronne) à la virologue, mais aussi à ses collègues, le Dr Tyrrell et le professeur Tony Waterson.
De ses recherches postérieures à la Postgraduate Medical School de Londres à sa fin de carrière scientifique au Wellcome Institute, June Almeida ne cessera jamais de garder un oeil sur les dernières avancées du domaine dont était l'une des grandes représentantes : la virologie. Ainsi, alors qu'elle se destine dans les années 80 à écouler des jours paisibles en tant que professeure de yoga, la scientifique décide finalement de reprendre du service en tant que consultante. Notamment en scrutant un virus alors dévastateur : le VIH.
Aujourd'hui, alors qu'aux quatre coins du globe les scientifiques étudient le covid-19 en quête d'un éventuel vaccin, les hommages pleuvent sur la Toile, notamment ceux des chercheuses et chercheurs, de Glasgow aux Etats-Unis. Chargé de conserver et de relayer le patrimoine historique de l'Ecosse, l'organisme public Historic Environment Scotland invite ainsi à son audience à découvrir l'histoire de June Almeida. Tout comme le prestigieux History of Science Museum d'Oxford d'ailleurs. Scientifique et conseillère en matière de politiques sanitaires, Caroline Marshall loue l'expertise "incroyable" de June Almeida, et elle n'est pas la seule.
Alors que "l'effet Matilda" fait encore des ravages, et que le domaine scientifique et médical exclut bien des professionnelles compétentes de ses sommets hiérarchiques, faire honneur à June Almeida n'a rien de superflu, bien au contraire. Peut-être serait-il même temps d'inscrire une bonne fois pour toutes son nom dans l'Histoire, en lui consacrant (par exemple) le nom d'un établissement, d'un laboratoire ou d'une rue ?