En Espagne, rapporte Courrier International, on ne parle que de ça. Du nom des deux taureaux mis à mort lors des corridas de la féria de Begoña, "Féministe" et "Nigérian", et de la décision de la maire socialiste de la ville des Asturies, Ana González, qui en a résulté. Car après avoir découvert l'affiche du programme qui présentait les animaux, sa réaction ne s'est pas fait attendre.
Croyant d'abord à une (très mauvaise) blague, l'élue a annoncé, le 18 août, ne pas renouveler les corridas des férias de 2022. "Plusieurs lignes ont été franchies, deux en fait : une avec 'Féministe' et une autre avec 'Nigérian'", a-t-elle expliqué le lendemain sur les ondes de la radio Cadena Ser. Et de développer auprès du journal local La Nueva España : "Dans une ville qui croit en l'égalité entre les femmes et les hommes, dans l'intégration [...] nous ne pouvons pas permettre ce genre de chose".
Devant l'indignation des adeptes de tauromachie, nombreux·se·s outre-Pyrénées bien que le public ait réduit de 20 % en dix ans, elle a rappelé fermement : "C'est vrai qu'il y a des personnes qui souhaitaient que [les spectacles] continuent, mais ces personnes ont été entendues jusqu'à maintenant. Désormais, il faut écouter l'autre partie de Gijón qui ne veut pas de taureaux".
Dans les rangs de ses détracteurs, on plaide la "tradition". De la corrida d'une part, et de l'appellation des taureaux de l'autre. "Féministe" et "Nigérian" ne trahiraient ainsi rien d'autre que l'origine des bêtes, et permettraient de "conserver la traçabilité généalogique", selon l'Union européenne des éleveurs de taureaux de combat (UCTL), qui s'agace d'un arrêté qu'elle considère comme le "fruit d'une méconnaissance du monde rural".
"Dans l'élevage, il y a quarante ans, une vache s'appelait 'Féministe' et une autre 'Nigériane'. Toute sa progéniture porte le même nom afin que sa lignée perdure", se défend encore le célèbre matador Julián Lopez, dit El Juli, qui a vivement critiqué la décision qu'il juge "absurde", "honteuse" et "idéologique" de la maire de Gijòn sur Facebook.
D'autres, s'inquiètent de l'impact sur l'économie locale, et de la perte de recettes que cela pourrait engendrer. "Les festivités taurines généraient 6,7 millions d'euros [en 2017], selon un rapport de la Chambre des commerces", note encore La Nueva España. Ana González a quant à elle insisté : "je n'interdis par la fête, j'ai décidé que l'arène serait utilisée pour autre chose." Un "passe-temps" moins barbare, peut-on seulement espérer.