Six mois, c'est le délai qu'a accordé le Conseil d'État au ministre du Travail François Rebsamen pour publier un décret appliquant enfin une loi de 2006 qui rend obligatoires les CV anonymes dans les entreprises de plus de 50 salariés.
La plus haute juridiction administrative du pays a estimé que le « délai raisonnablement imparti » au gouvernement pour mettre en œuvre le CV anonyme était « dépassé », même s'il a reconnu qu'il avait rencontré des « difficultés » dans l'élaboration du texte. Le Conseil d'État n'a pas prononcé d'astreinte comme le souhaitait le rapporteur public. Ce dernier avait préconisé d'obliger le gouvernement à payer 100 euros par jour de retard supplémentaire.
Ce rappel à l'ordre au gouvernement intervient après que Maison des Potes-Maison de l'Égalité, une association proche de SOS Racisme, mais aussi le Modem Sciences Po et le responsable du pôle juridique de l'UNEF David van der Vlist ont saisi le Conseil d'État.
« Nous sommes fiers d'avoir réussi à imposer au gouvernement de tenir la promesse du PS et de François Hollande que le gouvernement tardait à respecter », s'est félicité Samuel Thomas, le président Maison des Potes-Maison de l'Égalité.
Pourtant, rappelle le cabinet de François Rebsamen, l'efficacité du CV anonyme reste encore à prouver. « Un groupe de travail doit se réunir à la rentrée pour réfléchir de façon globale à la lutte contre les discriminations à l'embauche. Avant d'imposer le CV anonyme, nous voulons nous assurer qu'il est pertinent », a déclaré à Metronews un collaborateur du ministre du Travail.
Même son de cloche du côté du ministère de la Jeunesse et de la Ville. Pour l'entourage de Najat Vallaud-Belkacem, d'autres méthodes de recrutement non discriminantes (le CV vidéo, le recrutement par simulation…) pourraient s'avérer plus efficaces.
Ce n'est pas la première fois que l'efficacité des CV anonymes est remise en question. En 2009 et 2010, une expérimentation menée par Pôle Emploi avait prouvé que les jeunes, les femmes et les seniors étaient avantagés par le CV anonyme. Ce qui n'était en revanche pas le cas pour les candidats issus de l'immigration et/ou résidant en zone urbaine sensibles. « Pour eux, la probabilité d'accéder à l'entretien passe de 9,6% avec un CV nominatif à 4,6% avec un CV anonyme », note Pôle Emploi, qui conclut « qu'en moyenne, le CV anonyme n'a pas d'effet détectable sur les chances d'accès à l'emploi ».
>> Discrimination à l'embauche : quels sont vos droits ? <<