Elles font du tir à l'arc, de l'athlétisme, du badminton, du basket-ball, du bobsleigh, de la boxe, de l'escalade, du cricket, du cyclisme, de l'équitation, de l'escrime, du football, du hockey, du judo, de la natation... Elles sont 1068, les sportives professionnelles (et fières représentantes de 39 sports différents) à avoir répondu à l'enquête ambitieuse de la BBC. L'idée ? Témoigner de leur expérience vécue sur les réseaux sociaux. Le constat ? 30 % des sondées affirment avoir déjà été victimes de harcèlement en ligne sur Instagram et Twitter.
Cyber-harcèlement, harcèlement en ligne ou "trolling" de masse, les appellations diffèrent mais s'assimilent. Les faits relatés par la chaîne britannique eux, sont sans filtre. Remarques diverses sur leur corps, leur apparence, leur taille, leurs performances, leurs origines. Commentaires type : "retourne faire la cuisine". Photomontages à base de clichés sexistes - une planche à repasser. Grossophobie décomplexée. Messages privés menaçants... Cet harcèlement prend bien des visages. Une sportive anonyme raconte déjà reçu des "Les femmes ne devraient pas ressembler à ça !" à son sujet. Et une autre, jockey, "J'espère que le cheval va bien et pas vous".
D'autres indiquent encore que certains comptes s'amusent à comparer les physiques des sportives, photos et zooms de leur anatomie à l'appui. Tous ces messages semblent se noyer dans le vaste bruit du web - et des milliers, voire des millions de commentaires qu'impliquent les réseaux sociaux. Pourtant, ils sont lus, éprouvés, rarement digérés. Les principales concernées ne peuvent pas passer à côté. L'une d'elles affirme d'ailleurs avoir déjà envisagé "d'abandonner son sport" après avoir subi de telles remarques. C'est pour nous sensibiliser au réel impact de ces commentaires que la BBC a décidé de recueillir les voix des victimes.
"Nous avons pu observé beaucoup de mouvements positifs dans le sport féminin au cours de ces cinq dernières années, mais cette enquête est un rappel brutal qu'il reste encore beaucoup à faire", a déploré à la BBC Tammy Parlour, la directrice générale du Women's Sport Trust, une association caritative dont le but est de garantir la visibilité et l'impact du sport féminin. Pour la porte-parole, il est primordial "de concevoir ces résultats comme des symptômes d'un système plus large, de comprendre ce qui crée cet environnement et de s'attaquer aux causes sous-jacentes". Bref, de se demander si tous ces maux n'étaient pas que la face visible de l'iceberg, les revers apparents d'une toxicité plus large qui concerne autant les réseaux sociaux... que le monde du sport.
Et cette réflexion, la chaîne britannique nous la suggère à grands coups de pourcentages alertes. Parmi le millier de sondées, 65 % ont déjà été victimes de sexisme dans leur sport, mais seulement 10% l'ont signalé. Dans leur domaine sportif spécifique toujours, 20 % ont déjà vécu ou ont été témoins de racisme. A cela s'ajoutent enfin des inégalités professionnelles diverses, allant de la considération des sportives (36% se sentent déconsidérées par leur club) à leurs salaires : 86% des sportives pros gagneraient moins que le salaire annuel brut moyen du Royaume-Uni, qui est de 30 000 livres sterling par an. De quoi faire déchanter les futures championnes, à l'heure-même où 85% d'entre elles pensent que les médias n'en font "pas assez" pour promouvoir le "sport féminin".
Oui, la route est encore longue. Mais heureusement, il n'y a pas qu'en Angleterre que les paroles se libèrent. En France par exemple, au sein du milieu du patinage, mais aussi du cyclisme, de plus en plus de sportives dénoncent les violences sexistes et sexuelles dont elles ont été victimes, révélant par-là même une culture du harcèlement et de l'agression trop longtemps banalisée et impunie. Des oppressions si systémiques d'ailleurs qu'elles concernent même la sphère du journalisme sportif hexagonal. Il faut croire que l'égalité des sexes a encore tout d'un exploit.