Le 9 novembre prochain, Emily Ratajkowski, mannequin américain, sortira son premier livre. Un essai intitulé My Body où elle évoque le rapport qu'elle entretient avec son corps, l'impact que sa carrière dans la mode a eu et a toujours sur elle, et revient sur le tournage du clip de Blurred Lines, qui l'a révélée en 2013.
Elle y est accompagnée de deux autres jeunes femmes qui dansent en culotte aux côtés de Pharell Williams, T. I. et. Robin Thicke. Une expérience qui s'est avérée particulièrement traumatisante pour la jeune femme, qui raconte dans son ouvrage que ce dernier, de 14 ans son aîné, a attrapé sa poitrine nue hors tournage.
"Soudain, de nulle part, j'ai senti la froideur et l'étrangeté des mains d'un inconnu prenant mes seins nus en coupe par derrière", écrit Emily Ratajkowski dans un extrait relayé par le New York Post. "Je me suis instinctivement éloignée, observant Robin Thicke. Il a maladroitement souri et a trébuché en arrière, ses yeux cachés derrière ses lunettes de soleil. Ma tête s'est tournée vers l'obscurité au-delà du décor. La voix [de la réalisatrice du clip Diane Martel] s'est brisée lorsqu'elle m'a crié : 'Ça va ?'"
Elle poursuit, précisant que l'incident lui a fait se sentir "nue pour la première fois ce jour-là" : "J'ai gardé la tête haute et j'ai haussé les épaules, évitant tout contact visuel, sentant toute la chaleur de l'humiliation parcourir mon corps. Je n'ai pas réagi, du moins pas vraiment. Pas comme j'aurais dû". Elle note qu'elle avait apprécié le projet avant que l'artiste, visiblement ivre, ne l'agresse. Des faits qu'a par ailleurs confirmés la réalisatrice Diane Martel dans une interview pour le Sunday Times.
"Je me souviens du moment où il a saisi sa poitrine. Un sein dans chaque main. Il se tenait derrière elle et ils étaient tous deux de profil. J'ai hurlé avec ma voix très agressive : 'Mais qu'est-ce que tu fous bordel ? Le tournage est fini !'", se remémore-t-elle. Robin Thicke se serait alors "honteusement" excusé. Et la cinéaste d'affirmer : "Je ne pense pas qu'il aurait fait ça s'il avait été sobre".
Deux ans plus tard, la victime présumée se prononçait déjà sur le phénomène qu'avaient provoqué les images. "J'ai l'air un peu fâchée dans la video. Maintenant ça me pourrit la vie". En 2019, six ans après sa diffusion, le chanteur Pharell Wiliams lui-même reconnaissait finalement le caractère sexiste du résultat.
"Je n'ai pas compris au départ", confiait-il lors d'un entretien pour le magazine GQ, dans un numéro consacré aux "nouvelles masculinités". "Il y a des femmes qui aiment vraiment la chanson. (...) Et 'I know you want it' ("je sais que tu le veux", ndlr, le refrain du morceau), des femmes chantent ce genre de paroles tout le temps. Alors, je me disais : "En quoi cela concerne la culture du viol ?"
"Je crois que Blurred Lines m'a ouvert les yeux. Je me suis rendu compte que des hommes parlent ainsi lorsqu'ils profitent d'une femme. Mon esprit a alors compris ce que la chanson voulait réellement dire, et comment elle pouvait affecter celles et ceux qui l'écoutent. J'ai pris conscience que nous vivions dans une société machiste. Je ne l'avais pas compris avant, ni que certaines de mes chansons contribuaient à ce monde machiste. Cela m'a complètement bouleversé..."
Sûrement pas autant qu'Emily Ratajkowski ce jour-là, ni, à la lire, les années qui ont suivi.