"Discriminatoire". C'est ainsi que la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a qualifié, ce mardi 26 octobre, l'attribution automatique à un enfant du nom de son père suivi de celui de la mère, lorsqu'il y a désaccord entre les parents. Pour l'institution, "l'impossibilité d'y déroger" est "excessivement rigide", rapporte l'AFP.
A l'origine de ce jugement, la saisie de la Cour par une femme espagnole qui, séparée de son compagnon pendant sa grossesse, avait été contrainte par la législation locale de voir son enfant porter le nom de son père avant le sien. Si la naissance date de 2005, son combat à elle, se poursuit aujourd'hui encore. Et le CEDH vient de lui donner raison en condamnant l'Espagne à lui verser 10 000 euros pour "dommage moral".
Cette attribution automatique "peut se révéler nécessaire en pratique et n'est pas forcément en contradiction", précise la Cour, mais reste "discriminatoire envers les femmes". Et d'ajouter que la "différence de traitement" non justifiée subie par la plaignante constitue une violation de la Convention. De plus, les magistrats ont pointé le fait que le père n'avait pas reconnu l'enfant "pendant plus d'un an", année durant laquelle il a porté le nom de sa mère, jusqu'à la reconnaissance tardive de paternité.
En Espagne, depuis 2011, c'est désormais au juge de décider de l'ordre des patronymes en cas de désaccord, avec comme critère principal "l'intérêt supérieur de l'enfant". Et en France ?
Sur le territoire français, le double nom de famille est une exception. L'attribution automatique est celle du nom du père. Pour preuve, 4 enfants sur 5 portent son nom à lui et ce, malgré l'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, qui autorise le nom de la mère ou le double nom. Si on se base sur des chiffres de l'Insee récent, c'est encore le cas de 81,4 % des enfants nés en 2019, contre 6,6 % qui portent celui de leur mère et 11,7 % le double nom.
Pour tenter de faire avancer les choses, le collectif Porte mon nom a lancé une pétition en début d'année intitulée "Je t'ai porté, porte mon nom aussi ! Donnez ce droit aux mères sans condition", demandant l'automatisation du double nom de famille à la naissance.
"Dans une société où l'égalité des sexes progresse, la transmission du nom du père reste une grande inégalité. C'est un marqueur fort, qui montre que l'on est encore dans une société très patriarcale", soulignait, en soutien, le député LREM de l'Hérault Patrick Vignal qui s'engageait à présenter le texte au ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti. Aujourd'hui, il compte plus de 27 000 signatures, la preuve de la pertinence de la démarche. Alors, à quand ?