Pierre Lefébure : La première chose qui a fait écho en regardant cette annonce de Nicolas Sarkozy a été sa similitude avec la déclaration de la candidature de François Mitterrand en 1988. De même que le président socialiste à l’époque, il attendait de manière théâtrale qu’on lui demande s’il allait se présenter. Il a affiché la même simplicité revendiquée dans sa réponse et a porté le même accent non pas sur le « oui » mais sur la suite de sa réponse, à savoir la justification de cette candidature. De même que François Mitterrand, le chef de l’Etat a également joué sur le registre du candidat ni de gauche, ni de droite. N. Sarkozy a par ailleurs adopté la posture du capitaine de bateau en pleine tempête qui ne peut pas quitter le navire dans des circonstances impérieuses qui rendent sa candidature nécessaire pour protéger les Français. Il fait valoir sa candidature au motif qu’il faut assurer une continuité dans le sillon des réformes et actions qu’il a déjà entamées sur les grands enjeux comme la retraite.
P.L. : Effectivement, on attendait une annonce de candidature plus tardive de la part du chef de l’Etat, avec des thèmes très puissants et une entrée en matière beaucoup plus musclée. Mais je pense que les mauvais sondages et l’écart de points important qu’il accuse par rapport à François Hollande l’a poussé à accélérer son calendrier : il faut du temps pour espérer rattraper un retard dans les sondages. On a donc finalement retrouvé Nicolas Sarkozy dans une tonalité très posée, s’exprimant presque sur le ton de la confidence raisonnée. On attendait une position plus musclée, un changement de rythme et de ton qui n’ont pas eu lieu. Pour la suite, les attaques frontales et le ton agressif seront plutôt le rôle du parti et dévolus à l’équipe de campagne du candidat, tandis que ce dernier adoptera une posture présidentielle plus réfléchie et posée.
Désormais il va être un candidat-président, tout comme il a été ces derniers mois un président-candidat, multipliant les déplacements sur le terrain.
P.L : Certains ont fait le parallèle avec la posture de Valéry Giscard d’Estaing en 1981, mais je pense qu’il ne faut pas fétichiser le slogan en lui-même : les slogans en politique restent limités en termes de possibilité et les mots utilisés changent finalement rarement. Nicolas Sarkozy ne se met pas dans les pas de VGE, en tout cas ce n’est pas comme cela que je l’ai lu. Ce slogan est plutôt là pour porter l’argument du choix d’une « France forte » contre celui d’une « France faible » qui serait portée par son rival. Cela laisse présager un dispositif de campagne qui dénoncera les postures de l’adversaire de manière implicite. Ainsi, Nicolas Sarkozy veut représenter une « France forte » qui protège contre une France faible qui expose les Français. C’est un duel annoncé. Il en va de même avec son allusion au « rêve » promis par François Hollande. Il a préféré y opposer la « vérité », sous-entendant de la sorte que ceux qui proposent le rêve ne font que jeter de la poudre aux yeux aux Français.
P.L : Concernant la campagne à venir, ma perception est que d’un côté on a François Hollande qui s’assume comme étant un candidat de gauche mais dont les propositions restent prudentes, et de l’autre on a Nicolas Sarkozy qui prétend se positionner comme un candidat « ni de gauche, ni de droite » et qui pourtant avance des propositions très profondément ancrées dans une droite traditionnelle et libérale. Maintenant que la campagne est pleinement lancée, on peut être certain que l’on assistera à un vrai choc de la gauche contre la droite.
Pour la première partie de la campagne, jusqu’aux alentours du 20 mars où la liste des candidats officiels sera publiée, la question essentielle portera sur les intentions de vote révélées par les sondages. Si Nicolas Sarkozy ne rattrape pas rapidement son retard, alors la campagne risque d’être plus agressive. Mais pour l’instant, il a encore une marge de manœuvre comptable en jouant sur les indécis qui représentent environ 25% de l’électorat. Ensuite, à partir de l’annonce des candidats à la course à l’Elysée, on peut prévoir que la campagne se durcira jusqu’au second tour.
Crédit photo : AFP
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