Culture
Le déclic féministe de l'anthropologue Mounia El Kotni
Publié le 3 mars 2021 à 10:15
Par Catherine Rochon | Rédactrice en chef
Rédactrice en chef de Terrafemina depuis fin 2014, Catherine Rochon scrute constructions et déconstructions d’un monde post-#MeToo et tend son dictaphone aux voix inspirantes d’une époque mouvante.
Elles sont féministes, viscéralement engagées. Et elles donnent de la voix pour faire bouger les lignes. En amont du 8 mars, journée internationale des droits des femmes, nous avons questionné ces penseuses et militantes sur leur cheminement et les oeuvres qui ont jalonné leur parcours. Voici le déclic de l'anthropologue Mounia El Kotni.
L'anthropologue Mounia El Kotni L'anthropologue Mounia El Kotni© Marine Bourserie
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Depuis le début de sa carrière d'anthropologue, Mounia El Kotni ausculte la santé des femmes. Et se penche plus précisément les politiques de santé maternelle, la médicalisation de l'accouchement ou encore les discriminations d'accès aux soins. Cette docteure féministe et écolo a co-créé le magnifique podcast sur le cancer du sein Im/patiente et co-fondé l'association Bas Les Pailles qui vise à éradiquer le fléau des pailles en plastique. Et elle planche actuellement sur l'impact de la contamination environnementale sur la santé des femmes mayas.

Alors qu'elle est l'une des voix du passionnant cycle de conférences Le féminisme n'a jamais tué personne de la Bpi du Centre Pompidou, nous avons interrogé Mounia El Kotni sur son cheminement militant et ses inspirations.

Terrafemina : Quel a été votre déclic féministe ?

Mounia El Kotni : C'est passé par les études et les livres lors de mon Master d'anthropologie. Nous avions eu un TD sur le genre. Et d'un coup, j'ai mis "mes lunettes de genre" et je me suis dit : "Comment je n'ai pas pu voir toutes ces oppressions et inégalités avant ?". Puis j'ai poursuivi mon cheminement. Encore aujourd'hui, je continue à déconstruire, à interroger et à apprendre des choses en permanence.

Avez-vous constaté de réelles évolutions depuis #MeToo et l'affaire Weinstein en 2017 ?

M.E.K. : Oui. Mais ça ne veut pas dire qu'il ne se passait rien avant. Des femmes ont toujours parlé, il y avait des espaces où l'on se sentait en sécurité, même s'ils étaient moins nombreux. Grâce à #MeToo, on a redécouvert un certain nombre de choses : on l'observe avec les #MeTooInceste ou#SciencesPorcs par exemple. On redit les choses et il faut continuer à les dire, à les marteler, ne rien lâcher et être de plus en plus nombreuses pour le faire.

Disons que la force de #MeToo, c'est que ce mouvement a eu un impact au-delà des sphères militantes. On en a parlé dans les repas de famille, à la télé... D'un coup, certaines personnes se sont senties moins seules et d'autres ont compris ce qui leur était arrivé. Il y a clairement eu une "vague". Et on l'observe aujourd'hui avec les très nombreuses sorties de livres féministes, sur la sexualité, sur le post-partum... Tous ces ouvrages sont aussi nés de ce mouvement-là.

Quelles sont vos meilleures répliques pour contrer les habituels arguments antiféministes ("Le féminisme, c'est détester les hommes", "Les féministes sont trop extrémistes"...) ?

M.E.K. : Je ne suis pas la plus douée en répliques. J'aurais tendance à m'inspirer de Marie Dasylva, coach en entreprises pour les femmes racisées. Elle notait dans des carnets des situations de racisme ou de sexisme dans lesquelles elle se retrouvait et auxquelles elle ne savait pas quoi répondre. Elle a consigné dans son carnet ce qu'elle aurait aimé répondre à ce moment précis pour avoir des réflexes si ces situations se représentaient. Je me demande si je ne vais pas faire ça. Car souvent, je suis énervée et je préfère ne rien dire. Mais selon les personnes, je vais prendre le temps d'en parler, de sortir des statistiques.

Quelles oeuvres vous ont guidée dans votre déconstruction ?

Masculin/féminin de Françoise Héritier

Il y en a tellement ! Mais je dirais d'abord le livre de Françoise Françoise Héritier, Masculin/féminin, à la fois universel et spécifique dans son expression. Un ouvrage qui m'a intriguée, perturbée et qui m'a donné envie de creuser.

Sur mon domaine de recherche, il y a aussi ce film sur la médicalisation de l'accouchement, The Business of Being Born et le blog de Marie-Hélène Lahaye, Marie accouche là.

Je citerais également le livre La pensée féministe noire de Patricia Collins, qui réfléchit au fait que les concepts sont forgés par des hommes blancs.

Et enfin, la pensée d'Angela Davis.

Vos conseils pour s'engager et promouvoir le féminisme au quotidien ?

M.E.K. : Je pense qu'on peut commencer par créer des alliances, trouver des personnes avec qui on peut parler, poser des questions et se planter, s'échanger des ressources, diffuser. Pour moi, c'est aussi ça, le "féminisme du quotidien". J'avais créé un cercle de réflexion féministe avec des amies par exemple. C'est important.

Quel sera votre principal combat en 2021 ?

M.E.K. : Ecrire mon livre qui retranscrira ma thèse ! (rires) Et j'aurais à coeur de protéger mon enfant, né il y a peu de temps, des stéréotypes sexistes et d'essayer de construire un monde aussi bienveillant et ouvert sur le genre à l'extérieur qu'on essaie de le faire à l'intérieur de notre foyer.

Pour revoir les conférences Le féminisme n'a jamais tué personne, c'est ici :

Conférences "13 minutes" : Le féminisme

Violences sexistes : quand les femmes prennent la parole

Mots clés
Culture News essentielles feminisme Femmes engagées Le déclic féministe
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