C'est une histoire horrifiante qui n'en finit plus de choquer le monde entier. Deux soeurs de 23 et 15 ans ont été obligées de fuir leur village de l'Etat d'Uttar Pradesh dans le nord de l'Inde pour échapper à l'odieuse décision prise par le conseil de leur petite bourgade. Il y a une dizaine de jours, elles ont ainsi été condamnées à s'exposer nues en public le visage peint en noir, mais surtout, à subir un viol collectif. Selon le conseil composé exclusivement d'hommes qui n'ont pas été élus, ce viol a pour but de déshonorer la famille des deux jeunes filles et de les faire payer pour l'acte de leur grand frère, Ravi. Comme ses soeurs, ce dernier appartient à la caste des Intouchables (Dalit), considérée comme la plus basse dans la hiérarchie hindoue. Il s'est enfui du village en mars dernier avec une jeune femme mariée de force à un autre homme le mois d'avant et issue de la caste supérieure des Jats.
Comme le rapporte le magazine Time, l'aînée des deux soeurs, Meenaski Kumari, s'est rendue la semaine dernière à la Cour Suprême de l'Inde. La jeune femme a expliqué que des membres de la caste des Jats avaient pillé et détruit leur maison. Selon elle, la police a également harcelé sa famille au lieu de la protéger. La Cour Suprême a demandé au gouvernement de l'Uttar Pradesh de répondre à la requête des deux soeurs. Mais comme l'explique Slate, la police du district où se trouve le village affirme n'avoir trouvé aucune trace du conseil ou d'une telle sentence.
Malgré les dires de la police, tout porte à croire que le conseil du village existe bel et bien. Sumit Kumar, l'autre frère des deux jeunes soeurs condamnées à assurer à Amnesty International que le conseil était principalement composé de membres de la caste des Jats et que leur "décision était définitive". La famille craint pour sa vie, mais aussi pour celle de la jeune femme qui s'est enfuie avec Ravi car tout porte à croire qu'elle est enceinte de lui. En Inde, de tels conseils ne sont pas reconnus par la justice, mais ils auraient malheureusement encore la main mise sur beaucoup de communautés rurales. En janvier 2014, une jeune femme avait ainsi subi un viol collectif ordonné par le conseil de son village pour avoir eu une liaison avec un homme d'une autre caste.
Amnesty International et Meenaski Kumari ont lancé une pétition en ligne pour demander aux autorités locales d'intervenir le plus rapidement possible. Près de 170 000 signatures ont été récoltées pour tenter de contrer cette "sentence". "Rien ne peut justifier cette odieuse punition, injuste et contre la loi", estime Amnesty International.
Rappelons qu'en Inde, le nombre d'agressions sexuelles est en perpétuel augmentation. Une femme est violée toutes les 22 minutes et parmi elles, une sur trois à moins de 18 ans. Pour endiguer ce fléau et éduquer la population, les autorités tentent de nouvelles approches. Dans la région de l'Haryana, une cellule policière uniquement composée de femmes vient ainsi d'être mise en place, tandis qu'à New Dehli (surnommée la capitale du viol, ndlr), ce sont 40 policières qui ont été entraînées au karaté pour former un commando d'élite prêt à combattre les prédateurs sexuels.
Néanmoins, les Indiennes se retrouvent encore trop souvent livrées à elles-mêmes et doivent apprendre à se défendre seules. En décembre dernier, deux jeunes soeurs avaient été agressées dans un bus dans l'indifférence et s'étaient défendues en chassant leurs agresseurs à coup de ceinture. Encore récemment, une femme a été agressée sexuellement alors qu'elle dormait sur le toit de sa maison. Elle a alors traîné son assaillant de force au QG d'un groupe féministe pour le rouer de coup avant de le remettre aux mains de la police.