Non, les mathématiques ne sont pas que pure objectivité et neutralité. Oui, les équations et autres exercices de calcul peuvent dissimuler un sexisme latent. Une hypothèse tirée par les cheveux ? Pas si l’on en croit les conclusions d’une étude menée par le centre Hubertine Auclert et intitulée « Égalité femmes-hommes dans les manuels de mathématiques, une équation irrésolue ? Les représentations sexuées dans les manuels de mathématiques de Terminale ». Selon cette enquête qui a passé au crible 29 manuels scolaires, dont 15 manuels de Terminale Bac pro et 14 manuels de Terminale S, parus entre 2010 et 2012, dans 9 maisons d’édition différentes, les mathématiques recèlent comme les autres matières nombre de stéréotypes et clichés sexistes. En cause : les exemples de la vie quotidienne utilisés par les manuels pour illustrer les exercices. Ainsi, sur les 3348 personnages sexués comptabilisés, l'étude dénombre 2676 hommes pour 672 femmes, soit une femme pour 5 hommes. Un déséquilibre encore plus flagrant lorsqu’il s’agit des personnages célèbres : face aux 1057 noms de personnalités masculines qui sont cités, on ne trouve que 35 personnages historiques féminins, soit 3,2% ! Et les personnages de fiction ne viennent pas rééquilibrer la balance : les femmes représentent à peine un tiers (28%) des personnages inventés par les auteurs.
Des noms de métiers masculins
L’inégalité dans les pages des manuels tient en partie au fait que les noms des métiers n’ont pour la plupart pas été féminisés par les auteurs : on verra ainsi beaucoup de « professeur », d’« élève », de « joueur », d’« architecte » en bien plus grand nombre que les « infirmières » ou « standardistes ». « Il ne faut pas se méprendre sur l’usage de l’article singulier indéfini ; s’il est au masculin, il ne peut pas valoir pour les deux sexes », soulignent les auteures de l’étude. Ces dernières dénoncent par ailleurs le cantonnement socio-professionnel des femmes. « Lorsque les auteur-e-s de manuel déclinent un nom de métier masculin au féminin, il lui est associé un attribut traditionnellement féminin : dans un manuel de la filière professionnelle, on trouve systématiquement le métier de « gérant » au masculin, excepté lorsqu’il est question d’« une gérante de parfumerie ». Dans le domaine scientifique, on observe également une moindre diversité des métiers. Les femmes scientifiques inventées pour les énoncés ou présentes dans les illustrations sont soit des laborantines, soit des archéologues », constatent-elles. Un cantonnement que l’on retrouve par ailleurs dans l’iconographie : les femmes sont le plus souvent représentée comme des « amoureuses » ou dans des « rôles traditionnellement attendus ».
Reste que certaines pages des manuels portent l’espoir de voir un jour des livres scolaires moins sexistes. Ainsi, dans certains manuels, les chapitres consacrés aux probabilités et statistiques peuvent favoriser « l’étude de problématiques sociales et notamment celles liées aux inégalités entre les femmes et les hommes », assurent les auteures de l’étude. Et pourquoi pas des exercices permettant de compter le nombre d’allusions sexistes présentes dans les manuels que les élèves ont entre les mains ?
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