On dit souvent que les adolescentes peuvent être cruelles entre elles. Un cliché tenace qui vient d'être démoli d'un coup de marqueur par les lycéennes de l'académie privée Trinité à Wichita dans l'Etat du Kansas. En pleine rentrée, un groupe d'élèves de terminale a eu la bonne idée de recouvrir les miroirs des toilettes des filles d'une banderole barrée de messages positifs. L'objectif est simple : promouvoir l'acceptation de soi et de son corps et rejeter l'image distordue que les adolescentes peuvent parfois avoir d'elles-mêmes. Au lieu de se retrouver nez à nez avec leur reflet, les élèves font face à des mantras qui peuvent être drôles : "Les gens sont comme des Oreo, le meilleur est à l'intérieur", poignants : "Je suis forte, j'ai de la valeur, je suis belle, je suis imparfaite, je suis moi", ou encore religieux, l'académie Trinité étant chrétienne. Interrogée par la radio locale KWCH, l'une des terminales ayant participé au projet a expliqué que le but était d'abord de toucher les plus jeunes lycéennes :
"Nous étions à la recherche d'idées qui pourraient aider les plus jeunes et avoir un impact sur elles. En première et deuxième année, c'est là que vous cherchez à savoir qui vous êtes vraiment. Et nous voulions qu'elles trouvent les réponses dans le Christ plutôt que dans les miroirs et les apparences".
Le projet sincère de ces lycéennes résonne tout particulièrement à une époque où les jeunes filles sont toujours plus victimes du regard des autres et de l'objectivation masculine. Outre le slut-shaming - toujours plus présent dans les cours d'école - et le body shaming, qui puise ses ressources destructrices sur les réseaux sociaux, il est bon de voir des adolescentes se serrer les coudes. Et si l'académie Trinité donne le bon exemple, elle est loin d'être la seule école américaine à s'intéresser à cette pièce toute bête que sont les toilettes. Car on n'y pense peu, mais c'est bien là que certains élèves se sentent le plus facilement rejetés.
Si vous vous êtes un jour retrouvé devant un film ou une série estampillé teenager, vous avez forcément eu droit à une scène dans les toilettes du lycée. C'est ici que les filles populaires se retrouvent pour bitcher sur les autres et que les laissés-pour-compte finissent par prendre leur déjeuner, enfermés dans les cabinets, un plateau sur les genoux. Bref, tout comme à la cafeteria, des règles s'appliquent aux toilettes des écoles. On s'y remaquille, on s'y raconte des secrets, on parle des garçons et vice-versa. Mais ces règles bien établies sont en train de voler en éclats pour la meilleure des raisons : l'acceptation de plus en plus forte des personnes transgenres.
Aux Etats-Unis, on estime le nombre de transsexuels à 700 000, soit plus que la population de Washington. Pour le Dr Norman Spack, co-directeur de la clinique de gestion des genres à l'hôpital de Boston, le calcul est donc simple : "Si vous prenez un lycée de 2 000 gamins, vous allez probablement vous retrouver avec 2 à 4 élèves transgenres sur la même période". Et c'est bien pour cette raison, que changer le fonctionnement des toilettes est extrêmement important. La Californie a été l'un des premiers Etats à lutter contre les discriminations de genre en instaurant dès 2013 une loi autorisant les élèves transgenres à utiliser les toilettes de leur choix et à s'inscrire indifféremment dans une équipe sportive masculine ou féminine.
Depuis, de nombreux établissements ont donc suivi la mouvance, certains allant même encore plus loin. C'est ainsi le cas de l'école élémentaire Miramola à San Francisco, qui vient de jouer les pionnières en mettant en place des toilettes neutres. Les jeunes élèves s'identifiant comme transgenres (il y en a trois cette année) n'auront ainsi plus besoin de faire un choix entre les cabinets pour les garçons et ceux pour les filles. Des lycées du Missouri et du Kentucky ont également permis à leurs élèves transsexuels d'utiliser les toilettes et les vestiaires dans lesquels ils se sentaient les plus à l'aise. Si certains adolescents se sont montrés très ouverts à ce changement, d'autres (accompagnés de leurs parents) ont malheureusement décidé de protester contre cette décision.
La bonne nouvelle, c'est que ces petits désagréments ne freinent pas l'enthousiasme des écoles. En 2015, huit adolescents transgenres se sont suicidés tandis que les homicides visant les femmes transsexuelles sont en perpétuelle augmentation. Du côté des jeunes filles aussi, le mal-être flagrant. Aux Etats-Unis, le suicide serait ainsi la deuxième cause de mortalité chez les adolescentes. Preuve qu'utiliser cette pièce toute bête que sont les toilettes des écoles pour éduquer les enfants à une plus grande acceptation de soi et des autres n'est pas une idée si insensée que ça.