Culture
Martine Aubry, une femme déterminée à la conquête de l'Élysée
Publié le 27 juin 2011 à 09:00
Par Candice Satara-Bartko
Dans « Martine, le destin ou la vie », Isabelle Giordano explore tout en finesse la personnalité contrastée de Martine Aubry. Loin de l'image médiatique, on y découvre une femme de conviction, à la fois implacable et altruiste, chaleureuse et déterminée. Et future candidate à l'élection présidentielle ?
Martine Aubry, une femme déterminée à la conquête de l'Élysée Martine Aubry, une femme déterminée à la conquête de l'Élysée© Bertini
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Terrafemina : Neuf ans après « Martine, portrait intime », vous publiez « Martine, le destin ou la vie », chez Grasset, qu’est-ce qui vous a donné envie d’enquêter à nouveau sur le personnage ?

Isabelle Giordano : Je me suis intéressée à Martine Aubry car c’est une personnalité qui est tout sauf consensuelle ou lisse. C’est une personne qui a énormément d’aspérités et qui suscite d’ailleurs beaucoup d’inimitiés, que ce soit dans l’opposition ou dans son propre camp. Elle est sans doute une des personnalités politiques les plus controversées en ce moment. J’ai eu envie d’en savoir un petit peu plus, soulever un coin du voile et chercher ce qui se cache derrière l’image médiatique de la dame des 35h. Je savais bien qu’elle ne pouvait pas se résumer seulement à cela.

TF : Vous nous dévoilez le portrait d’une femme ambivalente et mystérieuse. Cette personnalité toute en contraste est-elle une force ou une faiblesse ?

I.G. : C’est une femme très mystérieuse, même si je la connais un peu plus maintenant depuis que j’ai passé six mois avec elle. Malgré cela, elle reste très énigmatique à mes yeux. Elle est à la fois dans la compassion, dans la générosité. Tout le monde le confirme : elle a ce côté altruiste mais reste également un stratège, un animal politique. Ce qui est assez étrange et surprenant. Son caractère est une force, une forme de richesse. Je crois qu’on peut en cela la comparer à François Mitterrand qui avait aussi une personnalité multifacettes. En même temps, il peut constituer une faiblesse car son entourage ou ses adversaires parfois ne s’y retrouvent pas et peuvent l’attaquer là-dessus.

TF : À quelques jours des primaires socialistes, Martine Aubry entretient le suspense. Qu’est-ce qui pourrait la décider à se lancer dans la course ?

I.G. : C’est clair qu’elle va annoncer sa candidature d’ici la fin du mois. Sa décision est évidemment déjà prise. C’est juste une question de timing, elle avait d’ailleurs prévenu qu’elle respecterait un calendrier. Mais elle en a envie, cela ne fait plus de doute maintenant.

TF : Pensez-vous qu’elle ferait une bonne présidente ?

I.G. : C’est difficile à dire. En même temps je pense qu’elle a des qualités qu’on ne retrouve pas forcément aujourd’hui en politique. Le fait qu’elle ait son propre tempo médiatique par exemple. Elle ne se laisse jamais dicter son agenda par les médias. Elle ne cède pas à la dictature de telle ou telle chaîne de télévision qui voudrait absolument l’interviewer. Je pense que cette attitude est assez atypique. Elle s’oppose à celle d’autres personnalités politiques de droite ou de gauche qui sont plutôt dans la séduction, la complicité, voire la connivence avec les médias. Par ailleurs, c’est vrai aussi que c’est une personne qui a une certaine forme d’austérité, qui n’est pas du tout « bling bling ». Donc là encore, cela pourrait être un atout pour une présidente. Pour autant il faut maintenant qu’elle démontre comment elle peut gérer le contexte actuel. C’est un saut d’obstacles permanent. Toutefois, il est difficile de lire dans l’avenir.

TF : Vous reconnaissez dans le livre le rôle qu’a joué sa famille, notamment sa mère, Marie Delors…

I.G. : En effet, j’ai voulu montrer que la mère de Martine Aubry avait eu tout autant d’influence sur elle que son père Jacques Delors. Je n’ai pas pu rencontrer Marie Delors mais j’ai su parmi toutes les personnes que j’ai interviewées que c’était une forte personnalité, une femme de franchise, de conviction et je pense qu’on retrouve Martine dans cette description. Une femme qui est aussi drôle et qui aime s’amuser. J’espère que les lecteurs vont découvrir une autre Martine Aubry, du moins pas celle qui apparaît en permanence dans les médias.

TF : Le fait d’être femme a-t-il compliqué son parcours politique ?

I.G. : Très certainement pour toutes les femmes en politique le chemin est semé d’embûches. À travers ce livre, on peut lire aussi le parcours d’une femme, ses combats pour s’imposer dans un milieu d’hommes. Parmi toutes les petites piques qu’on lui envoie régulièrement, certaines sont encore des attaques clairement misogynes.

TF : « Fréquenter un homme ou une femme politique au quotidien, c’est faire l’expérience d’une rare violence », vous citez cette phrase de Jean-Louis Debré à la fin du livre. La politique est-elle un univers impitoyable ?

I.G. : Il évoque la violence derrière les tentures, insidieuse et discrète. La politique est de toute évidence un des milieux les plus durs que je connaisse qui n’a rien à voir avec celui des médias par exemple. Je me suis toujours demandé pourquoi ce milieu attire autant les personnes qui s’y engagent. Pourquoi fait-on de la politique, c’est une question que je me pose régulièrement. Même si malgré la brutalité, cet univers reste fascinant et attirant. Je suis en train de réfléchir au prochain livre que je vais écrire et j’ai très envie de continuer d’écrire sur le monde de la politique mais je n’ai pas encore vraiment choisi la personnalité à laquelle je veux m’intéresser. Il faut faire le bon choix.

Crédit Photo @ Bertini

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