Chaque fin d'année, c'est le même topo : que va-t-on bien pouvoir foutre pour le 31 ? Retrouver nos potes dans un bar, faire la (grosse) fête chez quelqu'un, organiser un dîner en petit comité... Entre peur de louper un événement marquant et envie de rester tranquille dans son lit en attendant que ça passe, notre coeur balance toujours.
Et puis, on finit généralement par subir un entre-deux raté, à bouffer des pains surprises au thon sur le canapé d'une connaissance qui nous a demandé d'enlever nos chaussures en rentrant. Rien à voir avec la promesse largement relayée par l'industrie du cinéma - et les réseaux sociaux - d'une nuit extraordinaire. Et encore moins avec de mémorables soirées de mars, juillet ou octobre, géniales car à l'abri d'une obligation de s'amuser forcément contre-productive.
On redoute le jour-J autant que nos proches qui nous interrogent sur nos plans ; "tu fais quoi pour le 31 ?" déclenche désormais un urticaire sur notre corps et un sentiment de frustration dans notre esprit. Aussi coriaces l'un que l'autre.
Seulement en 2020, la donne a clairement changé. Plus vraiment le choix, crise sanitaire et restrictions obligent, on doit rester chez soi. Ou à la rigueur, se retrouver à six, et se supporter de 20 heures à 6 heures minimum. Une perspective qui ne réjouit pas tout le monde, loin de là, et à juste titre. La solitude, le ras-le-bol d'une situation interminable, l'envie de se retrouver et de se serrer dans les bras, sont autant de raisons valables qui expliquent pourquoi on ne saute pas au plafond de savoir qu'on ne célébrera pas 2021 comme les précédentes.
Mais qui, très personnellement on l'admet, nous soulage quelque peu. Annulé, le Nouvel an devient aussi moins oppressant. Et en y réfléchissant, peut-être que les déçu·e·s réussiront à mieux l'apprécier.
On peut être la personne la plus détachée au monde de ce que font les autres autour de nous, il suffit qu'on scrolle deux minutes sur Instagram pour sentir le poids d'une comparaison nocive et inévitable sur nos petites épaules.
Notre cousine par alliance reçoit vingt convives dans son appart' impeccable avec table dressée comme jamais et pintade aux pommes dans le four, le tout documenté en story, on déprime devant notre programme de beuverie adulescente au bar du coin. Notre ancien coloc' enchaîne les vidéos de boîte bien accompagné sur Djadja d'Aya Nakamura, on regrette d'avoir décidé de la jouer tranquille, en troquant le club contre un Time's Up, dix blinis et trois couples d'ami·e·s.
Une sensation de FOMO ("Fear of Missing Out", ou "peur de louper", en français) ultra-désagréable, et d'autant plus pénible quand on sait qu'on passe notre temps à conseiller à nos semblables de s'affranchir de ces injonctions néfastes.
Eh bien bonne nouvelle - et dieu sait comme elles se comptent sur les doigts d'une main en ce moment - cette pression sociale, en 2020, elle a disparu. Maintenant que personne ne peut rien faire de vraiment bien intéressant, qu'on est tou·te·s logé·e·s à la même enseigne et qu'on n'est plus obligé·e·s de justifier nos envies, on aborde le Nouvel an le coeur léger. Et libéré, à en croire celles et ceux qui saisissent l'occasion pour assumer leur haine notoire de l'événement.
Kayleigh Dray, Londonienne, confie ainsi à Stylist que malgré des apparences qu'elle a soigneusement entretenues ces dernières années, elle déteste la période. Et honnêtement, à la lire, on comprend.
"Personne n'a vraiment envie de se réveiller le 1er janvier 2021 avec une gueule de bois qui lui donne mal au ventre et un trou noir inattendu sur son compte bancaire. Et personne n'a vraiment envie de porter sa nouvelle tenue à paillettes dans une boîte de nuit aux sols collants et à la foule de danseurs dégoulinants de vomi qui se pressent de tous côtés", écrit-elle, décrivant avec une fidélité troublante notre dernier réveillon. Au moins, là, c'est réglé. Pas de bars, pas de boîte, pas de rassemblements massifs. Juste nous, solo ou entre quelques proches, et un peu de repos bien mérité.
Alors le 31 décembre 2020, plutôt que de chercher absolument quoi faire, on se concocte donc une soirée cocooning sur mesure qui n'implique pas de payer 50 balles pour rentrer dans une boîte nulle, ni de tomber sur son ex dans le fumoir. On prend soin de soi, on cajole ses cinq invité·e·s, on met ses plus beaux habits ou son plus beau pyjama. On lâche prise, et on ne culpabilise pas d'avoir préféré mater Arthur plutôt que d'hurler "3, 2, 1, BONNE ANNEE !!!" avec une ribambelle d'inconnu·e·s éméché·e·s au jeté de postillons décomplexé.
Et quand minuit sonnera, on lèvera un verre à ces 365 jours pourris qui touchent enfin à leur fin, à nous d'y avoir survécu et à tou·te·s celles et ceux qui ont veillé sur notre santé.