"We did it, Joe". Ces quelques mots sont devenus instantanément viraux. Dans une courte vidéo de 8 secondes postée le 7 novembre sur Twitter, Kamala Harris, interrompue pendant sa session de running, appelle son binôme, le candidat démocrate Joe Biden, devenu le 46e président élu des Etats-Unis quelques instants plus tôt.
A ce moment précis, la sénatrice d'origine jamaïcaine et indienne de 56 ans entrait dans l'Histoire : elle devenait la première vice-présidente des Etats-Unis. Après quatre ans d'un mandat trumpiste cauchemardesque, marqué par la rage et les discriminations, on ne pouvait rêver plus beau symbole.
"Si je suis peut-être la première femme à occuper ce poste, je ne serais pas la dernière, car chaque petite fille qui regarde ce soir voit que c'est un pays de possibilités", lancera-t-elle solennellement lors de son premier discours de victoire ce soir-là. Un champ des possibles extraordinairement inspirant.
La main hérissée, la démarche guerrière, Adèle Haenel se lève. "La honte" : Roman Polanski vient de remporter le César du meilleur réalisateur pour J'accuse ce 28 février. Et la coupe est pleine. Celle qui avait ouvert une brèche par ses mots ciselés quitte la salle, après cet ultime affront fait aux femmes et à leur parole. Par ce geste rageur, iconique, infiniment politique, Adèle Haenel donnait une puissante impulsion pour partir au front, un élan révolutionnaire appelant à renverser cet ancien monde qui fait de la résistance. On la suit.
Le meurtre raciste de George Floyd sous les genoux du policier Dereck Chauvin à Minneapolis a (re)mis le feu à la poudrière étatsunienne. Une flambée de colère qui s'est immédiatement répandue partout dans le monde, jusqu'en France. Le mot d'ordre, impérieux : Black Lives Matter ("Les vies des Noirs comptent"). Aux avant-postes : des combattantes. Alicia Garza, Patrisse Cullors et Opal Tometi, qui ont fondé l'organisation en 2013, seront parvenues à transformer cet élan de protestation contre le racisme et les violences policières en mouvement politique à la portée internationale.
Des marches historiques de centaines de milliers de personnes aux campagnes pour visibiliser les victimes comme l'ambulancière Breonna Taylor, tuée par balle par les forces de police de Louisville, "BLM" aura peut-être obtenu l'une de ses plus belles victoires en cette fin d'année : la défaite du pyromane Donald Trump. La victoire symbolique de Joe Biden et de sa vice-présidente Kamala Harris permettra-t-elle de faire (enfin) avancer les droits civiques et de réformer un système profondément gangrené ? Les nouveaux locataires de la Maison Blanche sont attendu·e·s au tournant.
Alors que le coronavirus aura tétanisé une grande majorité des leaders mondiaux, la Première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern a su rester calme et pragmatique dans la tempête, comme à son habitude depuis le début de sa prise de fonction en 2017.
La cheffe du gouvernement a ainsi anticipé la vague épidémique en fermant très tôt les frontières du pays, puis en instaurant un confinement ultra-strict. Tout en multipliant les Facebook Lives chaleureux et décontractés avec ses concitoyen·ne·s pour les informer de l'évolution de la situation au jour le jour. Bilan ? Cinq morts et 1876 contaminations, dans une Nouvelle-Zélande qui compte... 4,8 millions d'habitant·e·s. Une gestion de crise exemplaire unanimement saluée et qui lui a valu d'être réélue triomphalement en octobre dernier. Qui a dit que les femmes étaient "trop émotives" ?
Elles étaient des centaines de milliers de Polonaises à déferler dans les rues du pays pour défendre un droit inaliénable : celui de disposer de leur corps. Un acquis que le gouvernement a tenté de leur arracher violemment lorsque le tribunal constitutionnel a adopté le 22 octobre dernier une loi interdisant quasi totalement le droit à l'avortement. Face aux manifestations massives, la décision a finalement été suspendue le 3 novembre. Une victoire sur le fil qui rappelle à quel point le droit à l'IVG reste fragile et se voit menacé jusqu'en Europe. Ne jamais baisser la garde. Jamais.
Aussi engagée sur les cours de tennis que sur le terrain sociétal, la Japonaise Naomi Osaka, numéro 3 mondiale, n'a pas hésité à monter au filet sur les sujets brûlants qui auront enflammé 2020. Et notamment la lutte antiraciste. Le 27 août, elle refusait de jouer un match suite à l'agression de l'Afro-américain Jacob Blake dans le Wisconsin.
"Je ne m'attends pas à ce que quelque chose de radical se produise si je ne joue pas, mais si je peux engager une conversation dans un sport majoritairement blanc, je considère que c'est un pas dans la bonne direction", a-t-elle ainsi balancé dans un tweet qui a fait l'effet d'une petite bombe. La championne ne rejouera que quelques semaines plus tard, lors de l'US Open, durant lequel elle enfilera un masque portant le nom d'une victime des violences policières à chaque match. Et elle remportera la compétition. Big up.
Son incendiaire WAP en duo avec Cardi B, ode sex-positive et décomplexée, a fait grincer les dents des machos. Et ses messages politiques auront définitivement installé Megan Thee Stallion en figure féministe pop qui compte. Mettant à profit ses 17 millions d'abonné·e·s sur Instagram, la rappeuse bling a donné de la voix et dégainé d'incisifs uppercuts militants, lançant par exemple la campagne #ProtectBlackWomen afin de sensibiliser aux violences faites aux femmes noires, exhortant ses fans à voter à l'élection présidentielle ou signant une tribune cinglante contre les stéréotypes racistes dans le New York Times.
Preuve de son impact : la Texane de 25 ans au flow mitraillette a été classée parmi les 100 personnes les plus influentes du monde par le magazine Time. Une popstar d'utilité publique ? On applaudit.
Elles auront été partout, tout le temps. Que ce soit dans les hôpitaux saturés, pour soigner ou désinfecter, au chevet des plus vulnérables, aux caisses des supermarchés alors que la ruée vers les spaghettis battait son plein. Dans les ateliers pour coudre des masques en urgence. Ou encore à la maison, écrasées par la charge mentale.
Ce satané virus aura été un révélateur, mettant en lumière ces bataillons de femmes de l'ombre, invisibilisées, essorées par les discriminations et les injustices. Des premières lignes montées au front pour soutenir une société qui leur rend pourtant si mal. Plus qu'une médaille ou des applaudissements, ces piliers d'un quotidien ébranlé mériteraient une revalorisation salariale, un juste partage des tâches. Et cette prise de conscience : oui, 2020 aurait été tellement plus chaotique sans elles. Ferons-nous en sorte que cette nouvelle année soit meilleure pour elles ?