Si le "burn-out professionnel" fait beaucoup parler de lui depuis quelques années, il existe un autre type de surmenage dont on parle moins, mais dont les dégâts sont tout aussi réels : le "burn-out familial". Aline Nativel Id Hammou, psychologue clinicienne ayant ouvert récemment un cabinet à Puteaux, pour aider les enfants, adolescents et familles à gérer ce burn-out d'un nouveau genre, a accepté de nous expliquer ce phénomène, son processus de guérison et les moyens de le prévenir.
Aline Nativel Id Hammou : On parle de 'burn-out familial' lorsque l'ensemble des membres d'une même famille est soumis à un épuisement physique et psychologique en raison d'une exposition à un stress répété et à l'excès de sollicitations physiques, cognitives et émotionnelles. Chacun des membres de la famille va être alors affecté par ce stress nocif plus ou moins intensément donnant lieu à certains dysfonctionnements psychiques.
A N-I-H : Ce mal qui ronge les familles peut être engendré par de multiples facteurs qui souvent s'entremêlent les uns aux autres. Les aspects professionnels et économiques d'abord, susceptibles d'exercer une pression sur les parents. Les difficultés conjugales apparaissent comme un autre critère néfaste à la famille tout comme des relations conflictuelles au sein de la fratrie (compétition, individualité, jalousies...). Pour autant, l'enfant unique n'est pas épargné, ressentant parfois un sentiment d'isolement. L'école peut également faire naître certaines pressions (harcèlement, racket, isolement, violence physique, réussite scolaire, concurrence...) sur l'enfant. Les parents ont alors parfois du mal à communiquer positivement avec leur progéniture alors même qu'ils aspirent à une parentalité "irréprochable". Il leur est aussi difficile de réussir à jongler entre vie pro et vie perso tout en respectant les rythmes et besoins quotidiens de l'enfant. Parfois pas assez présents, certains parents se montrent, au contraire, omniprésents et surstimulants, plaçant de plus en plus hautes leurs exigences concernant la réussite sociale de leurs enfants oubliant presque une notion essentielle : l'enfant parfait n'existe pas.
A N-I-H : L'apparition de diverses symptômes psychiques chez l'enfant et l'adulte doivent alerter. Ainsi, des troubles du sommeil, de l'humeur, de la concentration, de la mémoire ou de l'apprentissage, de l'appétit, du comportement sont signes que quelque chose ne va pas bien. Adopter une attitude régressive, automutilatrice, souffrir d'addictions, de maladies chroniques, de psychosomatisation, de phobie scolaire ou sociale attestent également d'un mal-être profond.
A N-I-H : Ce burn-out peut avoir de graves conséquences sur l'enfant qui peut alors développer des troubles narcissiques, relationnels, intellectuels et émotionnels, accuser un retard de croissance, se trouver dans un état de frustration important, éprouver un rejet de la part des autres enfants ou encore adopter un comportement de parentification (lorsque l'enfant se met à jouer le rôle de parent).
A N-I-H : Heureusement, le burn-out familial n'est pas une fatalité. Et certains comportements permettent de l'éviter. Les parents doivent notamment apprendre à différencier leur couple conjugal et leur duo parental. Il leur faut également éviter autant que possible de se laisser submerger par la pression au travail afin de ne pas flirter avec le burn-out professionnel. Ils pourront ainsi plus aisément offrir à leurs enfants un cadre familial sécurisant et mettre en place des règles familiales claires, connues et acceptées par tous, tout en se montrant à l'écoute des besoins et désirs de chacun. Pour cela, établir une communication est essentielle, incluant de régler les non-dits et les conflits. Il est important, aussi, que les parents partagent des activités ludiques et pas seulement éducatives avec leurs enfants. Enfin, être une famille n'empêche pas de s'accorder des temps de pause sans elle pour mieux la retrouver ensuite et s'offrir du temps juste pour soi.
A N-I-H : Lorsque l'on sent que la famille perd pied, une remise en question, un changement d'attitude de la part des parents et l'intervention de professionnels sont les bienvenus.
En cas de besoin, un pédopsychiatre, un psychologue clinicien ou un thérapeute familial pourra proposer un accompagnement psychologique à l'enfant et à ses parents afin d'aider la famille à retrouver son équilibre et son épanouissement.
Autre alternative : l'accompagnement pluridisciplinaire. Selon les conséquences de ce burn-out et les attentes de la famille, faire appel à des spécialistes (psychomotricien, ostéopathe, ergothérapeute, personnel scolaire, médecin traitant ou encore médecin du travail) peut en effet s'avérer d'un grand secours.
Bien sûr, les parents ont aussi leur rôle à jouer. Il est ainsi primordial qu'ils fassent prendre conscience à leur enfant qu'il n'est pas responsable de la situation. Le laisser s'exprimer librement l'aidera également à développer sa propre personnalité. Par ailleurs, instaurer des activités en famille, autres qu'éducatives, et dont certaines choisies par l'enfant lui-même apparaît comme un bon moyen de permettre au foyer de retrouver des bases saines et de resserrer les liens.
Enfin, pour éviter les surmenages, un changement des habitudes de vie peut être à prévoir. L'instauration d'un nouveau planning familial pourrait, en effet, être bénéfique à toute la tribu. Il permettra, en outre, de supprimer certaines activités péri/extrascolaires qui alourdissent de manière néfaste l'emploi du temps de l'enfant et d'en prioriser d'autres.