Près d'une personne sur trois déclare avoir été victime ou témoin de racisme au travail. Selon une enquête du site de recrutement Glassdoor effectuée sur 5 000 employé·e·s, 28 % de salarié·e·s auraient effectivement déjà fait l'objet d'attitudes ou de remarques discriminatoires et racistes, ou en auraient observé. Parmi toutes ces personnes sondées, il faut compter 40% des adultes âgés entre 18 et 38 ans. Au Royaume-Uni, ils seraient 31 %. Et 42 % aux Etats-Unis. Un racisme systémique donc, mais également global, qui concerne ouvertement les plus jeunes générations.
Et d'ailleurs, les Français le savent bien. A en croire un sondage de la plateforme de recrutement QAPA, aussi bien complété par les employé·e·s que par les employeurs, 65% des individus pensent que la discrimination raciale au travail est encore plus présente qu'avant. En ce sens, 49% des Français auraient déjà été victimes d'un acte raciste au travail. En début d'année, le gouvernement dévoilait même une liste de grandes entreprises soupçonnées de discrimination à l'embauche. On y trouvait notamment Renault, Air France, Sopra Steria...
Ce racisme-là est omniprésent, il peut prendre de multiples formes, au gré des employés et des patron·n·e·s. Et malheureusement, il vous concerne peut être directement. Mais comment faire au juste lorsque l'on est victime ou témoin de tels actes, remarques et comportements au sein de son entreprise ?
Si vous en êtes victime, il est primordial de se rappeler que les discriminations passent sous le coup de la loi. En France, comme le développe la plateforme de l'initiative du Défenseur des droits Egalité contre le Racisme, le Code pénal punit jusqu'à 2 ans de prison et 30 000 € d'amende toute personne ayant tenu dans le cadre du travail des propos racistes ayant eu pour effet de porter atteinte à la dignité d'autrui ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. Selon le Code du travail toujours, l'employeur a d'ailleurs une obligation de protection à l'égard de ses employé·es, en cas de violences physiques et morales commises par un·e autre employé·e.
Mais par-delà la connaissance de ces textes de loi, il ne faut ne pas hésiter à demander l'aide d'un·e collègue bienveillant·e ou d'un·e superviseur·e, quitte à prévenir ensemble la direction desdites attitudes problématiques afin d'apporter plus de poids à votre témoignage. Sans ignorer bien sûr l'apport du service des Ressources humaines. Comme le précise la consultante en inclusion et en diversité Denisha Jenkins au site Hello Giggles : "Il est sage, lorsque vous combattez le racisme, de demander aux gens de le faire avec vous. Car dans le cas contraire, vous allez rapidement vous épuiser".
"[De plus], n'hésitez pas à vous documenter sur les discriminations que vous subissez [avant d'avoir recours au service des Ressources humaines] car ce que nous savons sur le racisme, c'est que ce sera bien trop souvent 'la faute des victimes'", poursuit non sans amertume l'experte.
Prendre note en détaillant au maximum les attitudes et remarques que vous avez pu subir (quels commentaires et gestes ont été faits, quelles ont été les réactions de l'entourage, si entourage il y avait lors des événements), conserver ces notes à votre domicile, vérifier ce qu'indique le règlement de votre entreprise sur la discrimination et le harcèlement, se renseigner sur les procédures de plainte possibles, composer des brouillons et des copies de ladite plainte par écrit et la remettre à vos supérieurs - lors d'une entrevue - ou à d'autres personnes de confiance au sein de l'entreprise... Comme l'énonce avec précision le blog de Glassdoor, les actions ne manquent pas.
"Nous comprenons que la plupart des employé·e·s n'osent pas porter plainte par crainte de représailles ou de licenciement, mais vous ne pouvez pas continuer de travailler dans un environnement intolérable", affirme la plateforme, qui vous conseille de documenter au maximum votre expérience personnelle. Mais aussi, de ne pas hésiter à contacter un avocat. Le plus tôt possible.
Comme le rappellent les Editions Tissot, spécialistes dans le domaine du droit social, les sanctions disciplinaires sont multiples. Elles peuvent même être entreprises à l'encontre de celles et ceux qui tiendraient des propos à connotation raciste sur leur lieu de travail en dehors de leurs heures de service, si les faits incriminés se rattachent à la vie professionnelle. La sanction peut aller d'un simple avertissement au licenciement du salarié pour faute grave.
Pour la revue Forbes, il convient aussi de faire comprendre aux supérieurs la teneur de leurs responsabilités : ceux-ci se doivent de revendiquer au sein de leur boîte une "politique de tolérance zéro contre le racisme" et, face aux comportements inappropriés, ne pas laisser l'inaction l'emporter au sein d'un environnement de travail trop toxique. A l'adresse des personnes concernées,il est recommandé de ne pas faire cavalier seul. Il convient, rapidement, de se demander sérieusement qui pourrait (et devrait) se joindre à vous. "Nous sommes tous meilleurs lorsque nous travaillons ensemble, sans crainte de harcèlement", explique à juste titre Forbes.
Mais que faire si je suis témoin d'un comportement raciste ? Apporter mon soutien à la victime, tout d'abord, agir, défendre son cas au sein de l'entreprise, même quand elle n'est pas dans la pièce, mais également prendre conscience des phénomènes d'exclusion, et sensibiliser mes collègues et supérieur·e·s à ces discriminations plus ou moins insidieuses. En bref, signaler ce racisme trop ordinaire sans se limiter au partage de hashtags sur mes réseaux sociaux.
"Ne pas être raciste, ce n'est pas suffisant. Nous avons surtout besoin de vous pour lutter activement contre le racisme. Sachez que vous serez toujours en train de désapprendre les biais inconscients de votre propre langage et vos propres comportements", déclare encore Denisha Jenkins à l'adresse des personnes blanches.
Qu'importe la boîte, la route est encore longue pour lutter contre ces inégalités systématiques. "Lorsque [les Noirs] sont promus à un poste de directeur ou de direction, nous constatons souvent qu'ils ne sont pas payés de manière équitable ou égale. De plus, si les personnes noires contestent quelque chose, si elles posent une question, alors elles sont immédiatement étiquetées comme problématiques", déplore à ce titre Denisha Jenkins.
Et ne parlons même pas des femmes noires, qui subissent une double peine, racisme et sexisme s'enlaçant en un tout oppressif. Aux Etats-Unis, les femmes noires gagnent généralement 62 cents pour chaque dollar récolté par des hommes blancs. Raison de plus pour briser le silence.