Il est numéro 1 mondial de tennis chez les hommes, il a 17 victoires en Grand Chelem dont 11 tournois de Roland-Garos. Mais Rafael Nadal serait-il aussi le champion des sexistes ? Dans l'hebdomadaire féminin italien IO Donna au joueur espagnol si les femmes devaient gagner autant que les hommes au tennis. Sa réponse : "C'est une comparaison qui ne devrait même pas être faite. Les mannequins gagnent plus que leurs collègues masculins, mais personne ne dit rien. Et pourquoi ? Parce que ce sont eux qui ont le plus de supporters. Le tennis rapporte aussi plus d'argent pour ceux qui mobilisent plus d'audience."
En 2016, son collègue Novak Djokovic avait eu un commentaire similaire : "Je pense que notre monde du tennis masculin, le monde de l'ATP, devrait se battre pour [gagner] plus parce que les statistiques montrent que nous avons beaucoup plus de spectateurs sur les matchs de tennis masculin. Je pense que c'est l'une des raisons pour lesquelles nous devrions obtenir des primes plus importantes. Les femmes devraient se battre pour ce qu'elles pensent mériter et nous devrions nous battre pour ce que nous pensons mériter."
Toutes les compétitions du Grand Chelem paient les mêmes primes aux hommes et aux femmes aujourd'hui. Ce n'est pas le cas de toutes les autres compétitions. Les hommes sont-ils discriminés comme semble le sous-entendre Djokovic ? Ou prennent-ils le problème à l'envers ? Comme le rapporte le site de Yahoo, si on se base sur les audiences, dans la majorité des cas, effectivement, les hommes rassemblent plus de spectateurs que les femmes. Mais pas toujours. De 2010 à 2014 par exemple, la finale des joueuses de l'US Open a eu plus de téléspectateurs. Elles ont pu compter sur les soeurs Serena et Venus Williams. En 2015 même, les billets pour la finale femmes sont partis plus vite que pour celle des garçons.
Il faudrait déjà commencer par être à égalité en terme de combat. Les femmes continuent à ne jouer qu'en trois sets alors que les hommes jouent eux en cinq sets. Comme l'explique la joueuse Nathalie Dechy au Monde : "Les finales féminines sont à sens unique parce qu'elles sont trop rapides. Jouer plus les empêcherait d'avoir des matchs à sens unique". Sa théorie est que l'intensité serait donc moindre qu'un match en cinq sets et les spectateurs seraient moins tenus en haleine. Ils auraient ainsi moins de plaisir à suivre.
Pour faire augmenter l'intensité des matchs et donc attirer plus de spectateurs, il faudrait donc se débarrasser de l'idée selon laquelle les femmes seraient physiquement inférieures notamment en terme d'endurance.
Sur ce point, de nombreux pontes de la discipline jugent qu'il n'y a pas de différence entre femmes et hommes. Comme Jean-François Toussaint interrogé par Le Monde et directeur de l'Institut de recherche bio-médicale et d'épidémiologie du sport (IRMES) : "Il n'y a pas de différence sur l'endurance physiologique entre hommes et femmes et donc pas de raisons sur ce seul critère de faire des champs de compétition différents pour les unes ou pour les autres."
The Independent cite le docteur Paul Davis, directeur de l'Association de philosophie du sport britannique : "C'est injuste, daté et indéfendable". "Le sport a une longue histoire à essayer de faire comprendre que les femmes sont moins capables de réaliser des activités sportives", renchérit la doctoresse Laura Hills, maître de conférence sur le sport à l'université anglaise de Brunel. "L'exclusion des femmes du sport a été justifiée de manière traditionnelle en prétendant que les femmes n'avaient pas assez de force ou d'endurance et que les femmes avaient plus de risques de se blesser. Cela perpétue la croyance de la supériorité masculine en prétendant que les femmes sont incapables."
Le seul argument qu'il reste aujourd'hui aux organisateurs est le problème de calendrier. Des matchs plus long pour les femmes entraînerait un chaos dans la logistique et l'organisation des tournois. Dommage pour le spectacle et la visibilité des professionnelles qui jouent au tennis. Rafael Nadal ne pourrait-il pas soutenir ses camarades féminines afin que cela change ?