La séquence date d'octobre et a refait surfait ce dimanche 20 décembre. On y voit les invité·e·s et le présentateur de l'émission Les Vraies Voix, diffusée à l'antenne de Sud Radio, écouter l'intervention d'une auditrice en direct.
Celle-ci lâche : "Madame Diallo se plaint de la France, elle se plaint des blancs, mais si aujourd'hui elle est journaliste (...) elle le doit à l'ouverture d'esprit de notre éducation et de notre pays". Puis continue : "Parce que Mme Diallo, elle n'aurait pas bénéficié de tout ce que donne la France, je crois qu'il y a de fortes chances qu'elle serait en Afrique, avec 30 kg de plus, 15 gosses en train de piler le mil par terre et d'attendre que son mari lui donne son tour entre les 4 autres épouses".
Ces mots injurieux et écoeurants, aucune des personnes présentes en studio ne juge bon de les contredire. Le magistrat Philippe Bilger se contente d'ironiser en prévenant : "Attention, Danièle Obono (députée de la France Insoumise, ndlr) va vous tomber dessus". Le présentateur Philippe Rossi de commenter : "Il suffit de dire que Rokhaya Diallo, comme vous l'avez dit, a eu de la chance tout de même de vivre en France et d'avoir une vraie liberté d'expression".
N'ayant "repéré" ce passage que récemment, Rokhaya Diallo a relayé les images dimanche 20 décembre sur Twitter pour les dénoncer, et interpellé le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) dans la foulée. "Ces propos traduisent un mélange de mépris de 'l'Afrique' (comme s'il s'agit d'un pays !) et de négation de la légitimité politique des non Blanc·he·s en France (+ grossophobie)", écrit-elle.
La militante antiraciste a par la suite annoncé saisir la justice. "J'estime que toute personne qui prend la parole dans l'espace public doit prendre ses responsabilités et mon avocat a déposé une plainte aujourd'hui à 16 heures". L'auditrice en sera "informée lorsqu'on aura retrouvé son identité", précise-t-elle. "J'accepte le débat d'idées mais aucunement l'injure ni le mépris envers mes origines et envers les personnes du continent africain"
Au sein du gouvernement, plusieurs voix s'élèvent à leur tour. La ministre de la Culture Roselyne Bachelot dénonce "des propos abjects", assurant que "les propos racistes n'ont pas leur place sur nos antennes". Elle indique avoir "alerté" le CSA et souligne que "l'examen de cette séquence est indispensable". Même indignation chez la ministre déléguée chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes Elisabeth Moreno, qui qualifie d'intolérable la salve de l'auditrice, et rappelle sur Twitter : "Le racisme est un délit puni par la loi. Il n'a pas sa place dans notre République, forte de sa diversité."
L'équipe des Vraies Voix finira aussi par prendre la parole. "Pendant que l'auditrice proférait ces insultes immondes, je calais une autre rubrique avec le réalisateur qui me parlait dans le casque. Cela n'excuse en rien le fait que j'aurais dû maîtriser mon antenne", déclare Philippe Rossi. "Je tiens à présenter toutes mes excuses à Rokhaya Diallo que je connais bien. Jamais Sud Radio ne crédite et ne peut cautionner ce genre de discours à l'encontre de nos valeurs". Dans l'émission du 21 décembre, l'animateur l'a de nouveau condamné à l'antenne. "On peut être en désaccord avec Rokhaya Diallo, mais rien ne justifie de tels propos".
Philippe Bilger a quant à lui assuré que, "très respectueuse de la liberté, consciente de ses possibles dérives, Sud Radio sera encore plus vigilante à l'avenir pour les prévenir." Même son de cloche chez le directeur général de la radio, qui affirme : "On ne cautionnera jamais les propos de haine, racistes, antisémites ou encore homophobes". Reste à le prouver.