Nous raconter la jeunesse de Kool Shen et Joey Starr, alors que des fictions remarquées comme le Suprêmes de la cinéaste Audrey Estrougo s'y sont déjà attelées ? Il y a de quoi traîner des pieds. Et pourtant, Le monde de demain surpasse son pitch de base en nous narrant, à travers ce duo l'ascension du hip hop en France, et avec elle, une certaine idée de la jeunesse.
Mettant en scène, avec humour et tendresse, des protagonistes paumés, précaires et marginalisés, la série de Katell Quillévéré et Hélier Cisterne acquiert un épisode après l'autre une force sociale indéniable, qu'elle passe au crible la réalité d'une époque loin d'être idyllique (racisme, sexisme, violences) ou propage malgré tout un message d'espoir à l'adresse des nouvelles générations, pleines d'incertitudes.
La conviction des comédiens aidant, on retrouve dans cette histoire l'empathie et l'énergie inhérentes aux longs-métrages de la réalisatrice Katell Quillévéré - comme le puissant Suzanne, avec Sara Forestier et Adèle Haenel. Indispensable.
Disponible sur Netflix et Arte.
N'y a-t-il que le paysage des séries pour offrir à Audrey Fleurot des rôles à la mesure de son talent ? Après ses performances remarquées dans Kaamelott, Un village français ou encore HPI, la question se pose de nouveau face à cet Esprit d'hiver, adaptation du livre de l'autrice américaine Laura Kasischke. L'histoire ? Une romancière et mère de famille isolée dans sa maison aux côtés de sa fille, sous la neige, va faire face à des événements de plus en plus étranges. A moins que la bizarrerie n'émane d'elle ?
L'ambiguïté perdure au fil des trois épisodes de cette minisérie tendue au possible. Au coeur de ce huis clos, un véritable suspens hitchcockien, adjectif d'autant plus limpide que l'actrice y revêt une chevelure blonde qui contraste avec son habituelle rousseur. Drame psychologique dont l'on rassemble les pièces comme un puzzle, Esprit d'hiver nous plonge dans l'inconscient féminin pour mettre en lumière d'implacables réalités : anxiétés maternelles, charge mentale cauchemardesque, solitude de la femme au foyer... C'est haletant et très malin.
Disponible sur Arte.
Provocateur, ambivalent, violent, romanesque... Les papillons noirs a déchaîné les passions critiques cette année, certains saluant son audace, d'autres relevant son ambiguïté. En confrontant le récit au passé d'un couple de tueurs en série ensanglantant la France des années 70 et le présent chaotique d'un jeune romancier au lourd passif, la création Arte interroge frontalement le culte de la violence. Et avec lui, le système patriarcal qui l'alimente.
Série ambitieuse, Les papillons noirs multiplie les points de vue pour aborder au gré de ses révélations et des actes extrêmes de ses protagonistes la construction de la virilité, la complexité de la fiction (forcément toujours un peu mensongère), la notion de consentement, la culture du viol... Oui, ça fait beaucoup. Et si le male gaze n'est jamais loin lors des séquences les plus sulfureuses, jusqu'à un twist qu'on qualifiera volontiers d'incongru, le résultat n'en reste pas moins foisonnant. A ne pas mettre sous tous les yeux cependant.
Disponible sur Netflix
D'abord, il y a cette photographie singulière, presque cramée, ce grain brut, cette caméra épaule qui nous plonge tête la première dans l'arrière-cuisine surchauffée d'une petite sandwicherie de quartier à Chicago. Carmen (Jeremy Allen White) est un chef surdoué qui a tout laissé tomber pour reprendre l'établissement légué par son frère. Son voeu pieu ? En faire "un endroit respectable tenu par des adultes". A ses côtés, une brigade de fortes têtes, dysfonctionnelle mais passionnée.
The Bear est une cocotte-minute sérielle. Ca fuse, ça gueule, ça grésille, ça fume, un bouillon tragi-comique toujours au bord de l'explosion. Mais le show s'accorde aussi des temps de respiration thérapeutiques où l'on devise de bouffe, du voisinage ou du sens de cette drôle d'existence. En huit courts épisodes, The Bear brosse une carte du tendre et de la camaraderie et nous révèle un anti-héros instantanément iconique. T-shirt blanc, tablier bleu, tatouages et vague à l'âme, Carmen le taiseux en prise avec son improbable équipe et ses attaques de panique nous mettra le coeur en pièce lors d'un impressionnant monologue de dix minutes, face caméra. Une fiction aussi audacieuse que stylée et attachante.
Disponible sur Disney+.
C'est l'histoire d'une famille algérienne qui avait "toujours fait tout ce qu'il fallait". C'est l'histoire du racisme qui tue aveuglément. C'est l'histoire d'un gamin français, Malik Oussekine, qui succomba le 6 décembre 1986 à la violence policière. En quatre épisodes implacables, Antoine Chevrollier enclenche le compte-à-rebours funeste qui mènera au drame et suivra les conséquences de ce meurtre qui entachera la France, jusqu'au procès final, dévastateur.
Oussekine, c'est aussi l'histoire de l'immigration algérienne qui se lit à travers cette famille digne et si ordinaire, devenue un symbole politique malgré elle. Portée par un casting brillant et une magnifique mise en scène, cette fresque historique tend un miroir sans concession à cette société française qui abime et s'abime. Grave et nécessaire.
Disponible sur Disney +.
Nouvelle destination, nouveaux client·e·s et nouveau Cluedo estival. Alors que la première et irrésistible saison de The White Lotus offrait une vision féroce des rapports de domination entre classes sociales, cette escale en Sicile se penche subtilement sur le sexe comme enjeu de pouvoir, moyen d'échange ou de pression. Si ce deuxième jeu de massacre prend tout son temps pour installer ses différents pions, sa mise sous tension se révèle encore plus perverse que son prédécesseur, jouant sur l'ambiguïté, le trouble et les faux-semblants.
Un vaudeville toxique et ludique à souhait qu'on aura adoré disséquer entre ami·e·s chaque lundi. Le showrunner Mike White n'aime rien tant que faire mumuse avec nos nerfs, exposer nos névroses, malaxer l'air du temps et on en redemande.
Disponible sur OCS.
Elles n'ont pas démérité : Euphoria saison 2, Le monde de demain, Irma Vep, Dahmer, Chair tendre, Yellowjackets.