Mi-décembre, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel recevait les partis politiques afin de les sensibiliser aux règles de la campagne présidentielle 2012 et notamment au décomptage du temps de parole. Depuis plusieurs semaines, la campagne occupe la Une, tant à la télévision qu’à la radio. Pour preuve, entre le 1er janvier et le 10 février dernier, le volume consacré aux interventions des candidats et de leurs soutiens par l’ensemble des chaînes a représenté près de 500 heures de programme ; les chaînes d’information continue diffusant 235 heures d’interventions, les radios généralistes plus de 180 heures et les télévisions généralistes 75 heures.
Présidentielle et temps de parole : une campagne en trois temps
Mais dans cette couverture de la présidentielle, les règles édictées par le CSA ne sont pas toujours respectées. Ainsi, le 7 février dernier, le Conseil alertait télévisions et radios françaises sur la nécessité de « mieux tenir compte de la représentativité » des différents candidats postulant au scrutin d’avril. Et pour cause, Nicolas Sarkozy, alors considéré comme « candidat présumé » et son adversaire socialiste François Hollande enregistraient un temps de parole* largement supérieur à ceux des autres candidats déclarés.
Or, les règles du temps de parole stipulent que depuis le 1er janvier, et jusqu’au 19 mars (date de la publication des candidatures au Journal Officiel), les candidats et leurs soutiens doivent bénéficier d’un accès équitable* aux médias audiovisuels. Une équité faisant référence à la représentativité, à la force de frappe politique d’un candidat ou à sa dynamique de campagne, et dont l’arbitrage est laissé à l’appréciation des chaînes et des radios.
Pendant la période courant du 20 mars au 8 avril, les télévisions et les radios devront par ailleurs respecter strictement « l’égalité* du temps de parole et l’équité* du temps d’antenne des candidats » ayant obtenu les 500 parrainages.
Enfin, à compter du 9 avril et jusqu’au scrutin, la règle se corse davantage : temps de parole et temps d’antenne* devront être exactement les mêmes, à la seconde près, pour tous les candidats et leurs soutiens. Quant aux « conditions de programmation », elles devront être comparables. Ainsi, il ne sera pas possible d’accorder une heure à un candidat de 5 heures à 6 heures, puis une heure à son adversaire de 20 heures à 21 heures, le second créneau ayant un bien meilleur potentiel d’audience.
En outre, contrairement aux périodes non-électorales, durant lesquelles seules les interventions des membres des partis sont comptabilisées, depuis le 1er janvier, ce sont toutes celles des sympathisants d’un candidat qui sont décomptées. « Même un inconnu s’exprimant dans la rue est pris en compte dès lors qu’il appelle à soutenir tel ou tel candidat », précisait récemment Christine Kelly, membre du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel.
Vers un assouplissement des règles ?
Autant de recommandations dont la non-application expose à des sanctions (pouvant aller jusqu’à une amende ou le retrait de l’autorisation d’émettre) et complique la tâche des médias. Ainsi, en janvier, le journaliste Claude Sérillon fustigeait ces règles. « La télévision, comme la radio, ne fait pas une élection. Il serait bien temps de le comprendre car les premiers mois de l’année 2012 vont être sur ces supports médias l’enjeu imbécile d’un contrôle mathématique des temps accordés à chaque parti en lice, à chaque candidat à la présidentielle », estimait-il, proposant de redonner aux journalistes la responsabilité de l’attribution du temps de parole.
Plus récemment, les dirigeants de neuf médias, écrivaient au président du Conseil Constitutionnel, Jean-Louis Debré, lui demandant d’assouplir les règles édictées par le CSA et plus particulièrement celle imposant la stricte égalité du temps de parole entre tous les candidats officiels pendant les cinq semaines courant du 20 mars au 22 avril. Une période jugée beaucoup trop longue pour les directeurs de RTL, France Inter, France Bleu, France Info, France Culture, Europe 1, RMC, BFM Business et BFMTV, qui souhaitent la ramener à deux semaines. « Dans la pratique, l'égalité arithmétique, à la minute près, est quasiment impossible à respecter au quotidien compte tenu du nombre de candidats », ont-ils avancé. Pour l’heure, et malgré le soutien du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, cette requête n’a pas été entendue. Dans quelques jours, les médias devraient donc se soumettre à la règle de l’égalité stricte…
Lexique
Principe d’équité : respect d’un équilibre entre les candidats selon leur représentativité (résultat aux élections récentes, sondages, dynamique de campagne, etc.).
Principe d’égalité : égalité stricte du temps de parole des candidats et de leurs soutiens, à la seconde près.
Temps d’antenne : éléments éditoriaux (analyse politiques, présentations de sondage, etc.) consacrés à un candidat.
Temps de parole : intervention à la radio ou à la télévision d’un candidat, et/ ou de ses soutiens (connus ou anonymes), en lien avec l’élection.
Le cas Nicolas Sarkozy : Le 15 février dernier, l’officialisation de la candidature de Nicolas Sarkozy a simplifié le décomptage du temps de parole de l’UMP. Avant cette date, il fallait en permanence se poser la question de savoir si ses propos étaient ceux d’un président ou d’un candidat potentiel. Toutefois, le CSA lui avait ouvert « un décompte en tant que candidat potentiel dès le 1er janvier », explique Christine Kelly. « Par exemple, s’il rend hommage aux soldats français morts en Afghanistan ce n’est pas décompté car il est dans ses fonctions régaliennes. Mais s’il dit ‘la lutte contre le chômage est une priorité pour moi’ c’est considéré comme temps de parole du candidat ».
Crédit photo : AFP
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