C'est un T-shirt extra-large. Jusque-là, rien de choquant. Mais il arbore une curieuse inscription : "J'ai une tenue adéquate". Et on le destine, ironiquement, aux étudiantes et étudiants qui ont eu le culot de revêtir des tenues jugées "inadéquates" par l'établissement. Incroyable mais vrai. En Suisse, cette pratique est bien réelle, certains la surnomment même "le T-shirt de la honte". Une certaine idée de l'humiliation systémique.
Trop humiliant d'ailleurs pour le canton de Vaud, dans la région du Léman, qui vient de la bannir de l'ensemble de ses établissements scolaires en cette rentrée des classes. La raison ? Les protestations vives d'une mère de famille qui, en août dernier, dénonçait à Genève ladite humiliation, dont avait fait l'objet sa fille collégienne. Jusque-là, le "T-shirt de la honte" n'était au fond qu'un élément comme un autre du règlement pédagogique national, ouvertement approuvé par le Conseil des délégués d'élèves, comme le rapporte BFM TV.
Or, il est bien plus que ça. Conseillère d'Etat vaudoise, Cesla Amarelle l'explique au média suisse Le Temps : "Derrière cette question de tenue vestimentaire se jouent beaucoup de choses. La question du rapport au corps des femmes, la discrimination, le cadre normé". Autant de conventions patriarcales qui n'ont que trop duré.
D'ailleurs, les réactions suscitées par la mesure du canton de Vaud le démontrent. Comme l'indique la Tribune de Genève, le Grand Conseil genevois débat ces derniers jours du bien-fondé des sanctions concernant la tenue des élèves. Pour la députée de gauche Françoise Nyffeler, le "T-shirt de la honte" doit finir à la poubelle, c'est une évidence. "Les mises au pilori d'adolescentes et l'hypersexualisation du corps des femmes ne sont plus tolérées", fustige-t-elle en ce sens. A la Tribune de Genève toujours, la députée écologiste Katia Leonelli en appelle à "sanctionner le harcèlement sexuel" plutôt que les jeunes filles. On ne pourrait mieux dire.
Mais les mentalités mettent du temps à évoluer. Alors que certaines voix pédagogiques insistent sur le respect de la loi sur l'instruction publique, stipulant notamment le port d'une "tenue correcte" (à l'instar du ministre de l'Education nationale Jean-Michel Blanquer en France), les paroles militantes s'unissent quant à elles à coups de hashtags type #BalanceTonBahut, afin de dénoncer le sexisme ordinaire qui parcourt encore trop les établissements scolaires. Mots-clés, activisme en ligne (à travers des comptes Instagram tels "Sexisme Genève") mais aussi, comme le rappelle la radio suisse RTS, marches d'étudiantes, en septembre dernier à Genève notamment.
Les slogans de cette manif ? Ils résument bien la chose : "L'indécence n'est pas dans mon décolleté mais dans ton regard". Ou encore : "Occupe-toi de ton sexisme plutôt que de ma tenue".