Le rapport fait froid dans le dos, mais n'étonne guère. Quand on est une femme, ces remarques sur nos vêtements, notre corps, sont quotidiennes, presque banales. Dans la rue, à l'école, au bureau : notre apparence est souvent la cible de commentaires sexistes réducteurs et dégradants. Et c'est effrayant.
Aujourd'hui, en plus des nombreuses expériences partagées entre proches lors de discussions privées, ou entre internautes sur les réseaux sociaux, les chiffres viennent appuyer nos propos. Et répondent par la négative à une question qui, dans un monde égalitaire, n'aurait pas lieu d'être posée : les femmes sont-elles libres de s'habiller comme elles veulent ?
Ainsi, selon l'étude #MoiJeune, réalisée par OpinionWay pour 20 Minutes auprès d'un échantillon représentatif de 695 jeunes âgés de 18 à 30 ans, 69 % des femmes de cette démographie confient avoir renoncé au moins une fois au cours de la dernière année à porter un vêtement par peur des remarques ou des agressions sexistes. 42 % des interrogées déclarent également avoir été victimes d'une agression au prétexte d'une tenue jugée trop courte ou trop moulante, 17 % plusieurs fois. Et 83 % ont déjà subi au moins une remarque ou un sifflement sur ce qu'elles portaient, 67 % de manière régulière. Affligeant.
Le sujet ne sort pas de nulle part. Le undi 14 septembre dernier, les lycéennes et collégiennes lançaient un mouvement éponyme qui dénonçait le traitement de certains établissements face à la tenue des jeunes filles, quand les garçons étaient moins, voire pas du tout inquiétés. Une indignation survenue en réaction aux réflexions que plusieurs élèves auraient reçues de la part de l'administration scolaire, jugeant leurs vêtements "indécents", "provocants", ou encore propices à "déconcentrer les garçons".
En réponse à cette soif de liberté et d'égalité, le ministre de l'Education nationale Jean-Michel Blanquer a lâché les expressions "tenue correcte" et "tenue républicaine" comme référence d'un accoutrement acceptable. "Je souhaite qu'il y ait une certaine sobriété en la matière parce que là aussi c'est un enjeu d'égalité sociale puis de protection des filles et des garçons", lançait-il, engendrant une polémique justifiée.
Des termes dont la définition semble par ailleurs assez approximative dans l'esprit des jeunes Françaises (84 % des interrogées jugent impossible ou très compliqué de donner une définition de "tenue correcte"), mais moins dans celui de leurs homologues masculins (seulement 62 % des sondés sont dans le flou).
L'analyse de deux adolescentes questionnées par 20 Minutes illustre elle aussi parfaitement le côté arbitraire de l'interprétation de la formule. Quand Julie, 14 ans, fait confiance à ses parents - "s'ils approuvent ma tenue, c'est qu'elle est correcte", affirme-t-elle, Camille, 17 ans, traduit que cela signifie "cacher les parties intimes et de respecter les lois sur l'exhibitionnisme". Pour ce qui est de la "tenue républicaine" en revanche, aucun·e ne l'a mentionnée.