Mohamed Merah, l’auteur présumé des tueries de Toulouse et de Montauban qui ont fait 7 morts, est décédé hier lors de son interpellation. L’opération menée par le corps d’élite de la Police nationale suscite une série d’interrogations.
Christian Prouteau charge le Raid
C’est un ancien du GIGN, précisément le fondateur du Groupe d’Intervention de la Gendarmerie Nationale, Christian Prouteau, qui critique ouvertement le Raid dans les colonnes du journal Ouest-France ce matin : « Comment se fait-il que la meilleure unité de la police ne réussisse pas à arrêter un homme tout seul ? », s'interroge-t-il. « Il fallait le bourrer de gaz lacrymogène », ajoute-t-il. « Il n'aurait pas tenu cinq minutes. Au lieu de ça, ils ont balancé des grenades à tour de bras. Résultat : ça a mis le forcené dans un état psychologique qui l'a incité à continuer sa « guerre » ». Tout en rappelant ses états de services « en soixante-quatre opérations menées par le GIGN sous mon commandement, il n'y a pas eu un mort », il regrette que le Raid n’ait pas établi de « schéma tactique précis » pour mener cette opération. Selon lui, il aurait fallu « lui tendre une souricière » et « attendre qu'il sorte » pour le coincer.
Un député socialiste s’est également risqué à une critique sur son fil Twitter : Jean-Jacques Urvoas, spécialiste de la sécurité au PS, écrit : « Le Raid n'est donc pas capable en 30 heures d'aller chercher un individu seul dans un appartement? », puis se ravise et rend hommage au « courage » des policiers.
La mort de Mohamed Merah aurait-elle pu être évitée ?
Pour Me Christian Etelin, l'homme qui a défendu Mohamed Merah dans diverses affaires pour délinquance, la mort du jeune homme est « le résultat logique de la stratégie adoptée » par la police. « On l'a enfermé de plus en plus radicalement dans son autisme... Rien n'a été fait pour l'aider à rétablir (...) un dialogue », déplore l’avocat. Le procureur de Paris, François Molins, revient sur le déroulé des événements pour justifier l’issue de l’opération. Le tueur ne donnait plus de signe de vie depuis mercredi soir, 23h30, où il répond aux jets de grenades sur ses volets par deux coups de feu. Jeudi en fin de matinée, le Raid parvient à ouvrir la porte de l'appartement. Merah riposte d'une « trentaine de coups de feu », et les policiers qui s’avancent déchargent quelque 300 cartouches au cours d’une fusillade qui a duré cinq minutes. Équipé d'un gilet pare-balles Merah est finalement abattu d'une balle dans la tête.
32 heures de siège
Le procureur de Paris rappelle encore que le Raid avait pour consigne de « tout faire pour interpeller Merah vivant » et de ne « tirer qu'en cas de légitime défense ». D’où la durée du siège de l’appartement de Merah, « au péril du Raid, qui compte dans ses rangs cinq blessés », souligne le magistrat. Le tueur avait annoncé mercredi soir à 22h45 qu’une reddition serait « contraire à ses engagements et ses convictions », explique F. Molins, « il indique alors aux négociateurs du Raid qu'il veut mourir en moudjahidine, les armes à la main, qu'il refuse d'être jugé », il aurait même ajouté : « Si c'est moi, tant pis, j'irai au paradis, si c'est vous, tant pis pour vous ». L'assaut final est ainsi lancé à 10h30 jeudi matin. Mohamed Merah est abattu vers 11h30.
L’échec du premier assaut
Une autre interrogation porte sur la première tentative du Raid pour pénétrer dans l’appartement de Mohamed Merah, par surprise, mercredi à 03h00 du matin. Merah tire à travers la porte et blesse deux policiers, un troisième est choqué. Un spécialiste qui a souhaité garder l’anonymat raconte à l’AFP que les policiers ont tenté de défoncer la porte avec un système d'ouverture de porte à vérin, mais sans utiliser d'explosifs. Ce qui laisse « le temps à Merah d'ouvrir le feu et de repousser le premier assaut », relève sur son blog Jean-Dominique Merchet, journaliste défense à Marianne. Ce dernier précise que « le Raid maîtrise peu ou mal la technique des explosifs ».
Crédit photo : AFP / Les policiers du Raid à l'issue de l'assaut contre Mohamed Merah le 22 mars 2012 à Toulouse.
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