Sensible, poétique : voici le plus beau roman graphique de ce début d'année
Sensible, poétique, féministe : ce roman graphique est une merveille de douceur
"Minuscule folle sauvage" : c'est le titre d'un magnifique roman graphique, le premier de son autrice, la chanteuse Pi Ja Ma. Une histoire extrêmement personnelle portée par des dessins d'une admirable douceur. On fond, tout simplement.
On la connaît pour ses ritournelles entêtantes, sa fausse candeur, sa participation à certains concerts de Pomme, et... Son chien. Celles et ceux qui admirent l'univers doux amer de Pi Ja Ma ne seront pas dépaysés par le premier roman graphique de la chanteuse, Pauline de Tarragon de son nom complet : Minuscule folle sauvage.
Dans cette nouvelle parution des éditions La ville brûle (dont le mirifique palmarès d'autrices comprend Iris Brey, Diglee, Mirion Malle) on s'immerge les yeux grands ouverts dans le vaste monde intérieur de l'artiste.
Celle-ci relate son enfance, ses désarrois amoureux, son expérience pas toujours facile de l'hétérosexualité, mais aussi son séjour en centre psychiatrique, sa dépression, ses conversations avec sa psy. Un récit d'une confondante justesse, où décalages et fantaisies agissent comme des gouaches éparses sur une toile onirique.
La "minuscule folle sauvage", c'est notre héroïne : "quand j'étais enfant, j'étais un animal inoffensif incapable de voler ou de vivre en meute. Un animal raté peut-être, mais sûrement pas une petite fille. Je me souviens de tous mes mensonges pour fuir les autres". En se plongeant dans la tête de Pauline, on découvre sa marginalité, ses névroses, ses angoisses, son image de jeune fille inadaptée à un monde qui inspire peur, tristesse, et colère.
On connaissait les "remèdes à la mélancolie" de la journaliste Eva Bester sur France Inter, et ceux de Pauline de Tarragon redoublent de pertinence : s'imaginer à la laverie aux côtés de Bjork, sur la ligne 13 près de Dalida, se replonger dans ses premiers visionnages de Peau d'âne, les épisodes des Super-Nanas, ou les poèmes de Sylvia Plath... Autant de références qui ponctuent cette introspection où se côtoient gravité et douceur du dessin.
"J'aimerais câliner tous les morts de tristesse", confesse notre narratrice, dans un univers dont les crayonnés faussement candides et délicatement fantasmagoriques ravivent nos souvenirs de lectures d'enfance : on pense ainsi parfois à l'imagine d'un Maurice Sendak, et à ses "Maximonstres" à l'unisson riches de signification.
Familiers à quiconque a déjà connu solitude, dépression ou anxiété, les affects les plus complexes se couchent avec fluidité sur le papier, entre humour grinçant, poésie, et évocations ironiques : ainsi l'autrice compare-t-elle la couette duveteuse au sein de laquelle l'on se protège, enfant, à la fin du sublime Melancholia de Lars Von Trier !