Sofia Coppola est-elle passée à côté d'un grand film féministe avec "Priscilla" ?
Sofia Coppola a-t-elle raté un grand film féministe avec "Priscilla" ?
Biopic dédié à Priscilla Presley, le dernier film de Sofia Coppola survole des enjeux féministes majeurs sans vraiment les aborder en profondeur. On ressort perplexe de cet objet visuel sublime mais dont l'écriture peine à convaincre...
Priscilla Presley n'a que quatorze ans lorsqu'elle rencontre l'idole des jeunes : Elvis Presley, le King du rock'n'roll. Ce dernier est de dix ans son aîné. Voilà pour les prémisses du dernier film de la grande Sofia Coppola, cinéaste passée reine dans un art, celui de décrire avec délicatesse les solitudes féminines. Cailee Spaeny à la Première de "Priscilla", dans le cadre du 67ème BFI London Film Festival à Londres, le 9 octobre 2023.
Priscilla, c'est du Sofia Coppola dans le texte. Photographie naturellement sublime, figeant dans l'espace et le temps des instantanés de vie immobile, à la fois profondément mélancoliques et doux comme de la soie. Musique au cordeau, où les classiques folk et rock palpitent sous nos oreilles attentives. Casting glamour, où beauté et violence (des sentiments notamment) s'enlacent comme un couple toxique. C'est inimitable.
Sofia Coppola nous plonge dans la tête de cette très jeune Priscilla elle retranscrit avec délicatesse sa candeur, son émerveillement face à ce qui deviendra son compagnon, les espoirs de cette fille rêvant d'un ailleurs radieux, loin du bled où elle semble s'ennuyer à mourir. New York, NY - Celebrities attend the screening of 'Priscilla' during New York Film Festival at Alice Tully Hall of Lincoln Center in New York. Pictured: Cailee Spaeny
Ce faisant, la cinéaste ne cache rien de ce qu'Elvis incarne : une forme de domination masculine, qui ne cessera de maintenir son emprise.
Tout nous est dès lors suggéré : prédation et domination s'esquissent sous couvert de légitimité culturelle. Les cadrages, le choix de champs et contrechamps, celui du regard privilégié, tout traduit dans le travail formel de Sofia Coppola une envie de mettre en scène des enjeux qui, d'une certaine manière, renvoient curieusement à un film marquant de 2023 : Le consentement, d'après le récit de Vanessa Springora.
Mais sur la durée, si l'attitude du King ne cessera certes d'être dévoilée dans toute sa toxicité, des répliques méprisantes aux accès de violence divers, il semble que Sofia Coppola replonge dans ce qu'elle nous a toujours proposé : l'ennui étouffant d'une jeune femme dans sa prison dorée.
De plus, une fois le couple installé, les dialogues convoquant des enjeux féministes toujours d'actualité (lorsqu'Elvis exige à Priscilla de faire passer sa relation avant sa carrière notamment) dénoteront par leur trop grande littéralité. Malheureux, dans un film qui privilégiait plutôt la nuance et la suggestion. New York, NY - Celebrities attend the screening of 'Priscilla' during New York Film Festival at Alice Tully Hall of Lincoln Center in New York. Pictured: Jacob Elordi, Cailee Spaeny
A ce manque de finesse flagrant dans l'écriture, s'ajoutera l'impression de voir l'oeuvre s'enliser dans un rythme hypnotique, mais monotone, ponctué d'images magnifiques, mais pas forcément puissantes en terme de sens, d'éloquence, et surtout... D'émotion !