La caméra s'approche d'un baby phone posé dans une cuisine. On entend les pleurs d'un nourrisson et la voix d'un père qui crie, à bout. "Tu crois que j'ai que ça à foutre, moi ? Que c'est toi qui vas décider de ma vie ? Et voilà ! Tout ce que tu sais faire, c'est chialer ! J'en peux plus de toi."
Une secousse, puis plus un bruit. L'appareil s'éteint, on devine que le bébé vient d'être secoué. Et le message du gouvernement lit : "Chaque jour en France, 1 bébé est victime du syndrome du bébé secoué. Dans 1 cas sur 10, il va mourir. S'il survit, il gardera de graves séquelles".
Des chiffres tragiques à communiquer pour mieux prévenir, voilà ce le but de cette campagne qui s'inscrit dans le dispositif des 1000 premiers jours de l'enfant. Avec ce clip "choc" qui sera diffusé sur les réseaux sociaux et en replay, elle est accompagnée de kits et d'affiche à destination des professionnel·le·s de santé pour "sensibiliser leur patientèle ou les publics qu'ils reçoivent" à ce geste intentionnel, celui de violemment secouer son nourrisson.
Car si les soignant·e·s le connaissent bien, malheureusement, les parents restent trop peu conscients de ses dangers et de son caractère instantané et irréversible. "Ces secousses provoquent une hémorragie en nappe autour du cerveau", décrit auprès du HuffPost Dre Anne Laurent-Vannier, ancienne cheffe du pôle de rééducation de l'enfant aux hôpitaux de Saint-Maurice (Val-de-Marne). "À un stade de plus, il peut y avoir des pauses voire un arrêt respiratoire, et donc un manque d'oxygène et des lésions cérébrales irréversibles."
Pour Adrien Taquet, secrétaire d'Etat chargé de l'enfance et des familles, il est essentiel de mettre ce mot sur le "SBS" : "Il y a parfois un déni et notre objectif est de rappeler qu'il s'agit bien de maltraitance, avec des conséquences dont il faut avoir conscience : la mort et le handicap", détaille-t-il au Parisien.
"Notre message vise aussi à faire connaître les signaux, notamment aux professionnels de santé, dans un contexte de récidive très fort. Les chiffres sont en hausse ces dernières années (le ministère parle de plusieurs centaines, avec un pic entre 2 et 4 mois, ndlr), mais probablement surtout grâce à un meilleur repérage. Sur le terrain, les professionnels m'alertent car ils ont le sentiment de faire face à davantage de syndromes du bébé secoué qu'avant la crise, dans un cadre de confinement, de développement du télétravail..."
Auprès du quotidien, Caroline Rey-Salmon, pédiatre légiste à l'hôpital Hôtel-Dieu, plaide : "On devrait informer les parents sur la gestion des pleurs dès la maternité. Ils n'imaginent pas les conséquences. Lorsqu'un bébé pleure et est secoué, il arrête de pleurer, tout simplement parce qu'il est KO, comme un boxeur qui s'est pris un coup de poing. Ça peut expliquer l'entrée dans un cercle vicieux. Quelques secondes suffisent à provoquer des lésions irréversibles."
Et de conclure : "Dans les procès-verbaux d'audition, je lis encore beaucoup de gens qui affirment qu'ils ne savaient pas, et je les crois volontiers."