Et si le congé menstruel était amené à se normaliser ? De plus en plus d'entreprises semblent prôner les vertus d'une telle initiative. L'an dernier, le PDG de l'entreprise Zomato, basée en Inde, mettait ainsi en place un congé menstruel pour ses salariées, accordant de fait dix jours de repos par an à toute employée en faisant la demande. "Il ne devrait y avoir aucune honte ou stigmatisation liée à un tel congé", déclarait-il.
Et aujourd'hui, c'est ce même discours que désire privilégier une société de Montpellier, à travers une année de tests "expérimentale". La coopérative La Collective, dénombrant 37 salariés en tout, a effectivement décidé d'accorder un jour de congé supplémentaire par mois aux salariées féminines qui en font la demande.
Interrogé par le site actuEL-RH, son cogérant Dimitri Lamoureux est enthousiaste : "Il s'agit d'une avancée sociale importante pour favoriser la qualité de vie au travail et l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Ce congé évite la double peine : les douleurs physiques et la perte de salaire", dit-il.
Un progrès stimulant, mais qui laisse également certaines voix perplexes.
Comme celles de certaines militantes féministes par exemple. "C'est une fausse bonne idée. L'intention est bonne. L'idée est bonne. Mais beaucoup de femmes hésiteront à prendre ce congé par peur d'être stigmatisées", déplore à Franceinfo Fabienne El-Khoury, porte-parole de l'association Osez le féminisme. Pour l'activiste, il est d'emblée nécessaire d'alléger les menstruations des nombreux préjugés et complexes qu'un tel sujet de société génère si l'on souhaite que le principe novateur du congé menstruel fonctionne et se normalise.
Il faut dire que cette stigmatisation est particulièrement forte dans le monde de l'entreprise. En 2019, une étude de l'entreprise britannique Initial Washroom Hygiene révélait que sur 2 000 employés de bureau, près d'un tiers de salariés masculins jugeraient "peu professionnel" de voir leurs collègues discuter de leurs règles au sein de leur lieu de travail. 32 % d'entre eux exprimeraient leur malaise quant à l'évocation de ce sujet. On pourrait se dire que leur avis importe peu (et c'est vrai) mais il en dit long sur la perduration de ce tabou.
A cette difficulté légitime, de la part des salariées, d'aborder un tel sujet, s'ajoutent encore quelques détails à repenser. Par exemple ? Le fait que le congé menstruel "expérimental" proposé par la coopérative La Collective soit malgré tout facultatif, et se doit donc d'être formulé et posé sur le temps de travail effectif, détaille l'Obs. Difficile alors de faciliter sa banalisation, même dans le cadre d'une "expérience" professionnelle.
"Je pense qu'il faut déjà déstigmatiser le sujet, c'est-à-dire faire en sorte que toute la société ne pense pas que c'est normal d'avoir des règles douloureuses. Et dans un deuxième temps, effectivement, cela pourrait être une bonne idée mais pas juste un seul jour, car pour beaucoup de femmes, [les difficultés durent] plus longtemps", conclut Fabienne El-Khoury. Il y a encore du pain sur la planche donc.