Même si l'année 2018 a été marquée par des décisions et des mouvements historiques en faveur des droits des femmes (légalisation de l'IVG en Irlande, libéralisation de la parole à l'ère post #MeToo, marche #NousToutes), il reste beaucoup de droits à acquérir pour prétendre à l'égalité femmes-hommes.
Voici nos voeux féministes non-exhaustifs pour 2019.
En août dernier, c'est avec effroi que les Argentin·es militant pour la législation de l'avortement ont découvert le résultat du référendum organisé par le gouvernement : avec 38 voix contre 31 voix le Sénat argentin a rejeté la proposition de loi pour autoriser l'interruption volontaire de grossesse (IVG).
Une déception immense pour des milliers d'Argentin·es. Mais ce n'est parce pas parce qu'ils/elles ont perdu cette bataille qu'ils/elles ont perdu la guerre. Plus déterminés que jamais, les pro IVG ont défilé fin novembre dans les rues de Buenos Aires vêtues de foulards verts, symboles de leur lutte pour le droit à l'avortement.
Plusieurs d'entre eux et d'entre elles ont décidé de se faire débaptiser, en signe de protestation contre le pouvoir omniprésent de l'Église sur l'État. Un nouveau projet de loi pour légaliser l'avortement devrait être présenté au Sénat argentin cette année.
Mardi 24 novembre 2018, des milliers de militant·es ont marché dans les rues de France pour dire stop aux violences faites aux femmes. Une marche inédite en France, organisée à l'initiative du mouvement #NousToutes.
Deux jours plus tôt, un rapport réalisé par par le Conseil économique, social et environnemental (CESE, le Haut conseil à l'égalité (HCE) et plusieurs associations féministes dénonçait le manque cruel de moyens mis à disposition en France pour lutter contre ce fléau.
Ce rapport rappelle qu'en 2016, 123 femmes et 34 hommes sont mort·es sous les coups de leur conjoint·es. Les auteurs et autrices du rapport affirment qu'il faudrait au minimum 506 millions d'euros, et selon une fourchette haute, plus d'un milliard pour venir en aide efficacement aux victimes.
Or, selon leurs calculs, les moyens cumulés n'atteignent aujourd'hui que 79 millions d'euros.
Mardi 11 décembre, la secrétaire d'État chargée de l'égalité femmes-hommes Marlène Schiappa a une nouvelle fois confirmé que l'extension du projet de loi de la PMA pour toutes les femmes devrait entrer en vigueur dès 2019. Cette décision survient suite à l'avis favorable du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) aux débats des États généraux de la bioéthique qui se sont tenus entre juin et septembre 2018.
Initialement prévu en janvier et repoussé par le gouvernement pour la énième fois, l'examen du projet de loi n'aura toutefois pas lieu avant mai ou juin.
En France, seules les femmes hétérosexuelles en couple (mariées, pacsées ou en concubinage) peuvent bénéficier de la procréation médicalement assistée. Selon la définition de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, un processus de PMA consiste à manipuler un ovule et/ou un spermatozoïde pour procéder à une fécondation."
Les couples qui peuvent en bénéficier doivent justifier d'une infertilité pathologique médicalement constatée ou être porteur d'une maladie grave qui risque d'être transmise à l'enfant. Une législation très stricte qui exclut donc un grand nombre de femmes qui souhaiteraient recourir à la PMA.
Autre question brûlante abordée lors des États généraux de la bioéthique : la légalisation de la congélation des ovocytes. Dans certains de nos pays voisins européens (Espagne, Belgique, Grande-Bretagne), conserver ses ovules pour remettre ses projets d'enfants à plus tard, souvent après l'âge de 35 ans quand la réserve ovarienne commence à s'épuiser, est autorisé par la loi.
Mais en France, l'auto-conservation ovocytaire est autorisée seulement en cas de dons d'ovules ou de maladie grave provoquant l'infertilité (cancer, endométriose sévère).
Dans son rapport du 25 septembre 2018, le CCNE s'est déclaré favorable pour "proposer sans encourager" après avis médical aux femmes fertiles de congeler leurs ovocytes si elles le souhaitent.
Si l'on se fie au rapport annuel 2018 du Forum économique mondial, il faudra encore attendre 202 ans pour atteindre l'égalité salariale entre les hommes et les femmes et ce même si l'écart a légèrement diminué en 2018. En France, la loi du 17 août 2015 impose à toute entreprise de plus de 50 salarié·e·s de signer un accord pour l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ou, à défaut la mise en place d'un plan d'action pour parvenir à cette égalité.
Mais selon un rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) publié en janvier 2018, le pourcentage d'entreprises franciliennes de plus de 50 salarié·ées qui ont mis en place un plan de réduction des inégalités salariales ou signé un accord pour instaurer la parité s'élève à 30%.
Ces calculs se rapprochent de ceux du porte-parole d'Europe Écologie Les Verts et représentant du collectif Pourvoir citoyen Julien Bayou, qui s'est procuré auprès de la Direccte la "liste verte" des entreprises de huit départements d'Île-de-France qui appliquent la loi pour l'égalité professionnelle.
Depuis 3 ans, Julien Bayou et Fatima Benomar de l'association féministe Les Effronté·e·s, tentent d'obtenir la liste noire des entreprises qui ne respectent pas cette parité. Un parcours du combattant, que l'association et le collectif mènent depuis 3 ans. En septembre dernier, les deux militant·es ont déposé un recours en cassation au Conseil d'État.
Selon le décret Belkacem voté en 2012, les entreprises qui ne respectent pas les accords d'égalité salariale encourent des sanctions pouvant aller jusqu'à 1% de la masse salariale ou se voir refuser l'accès aux marchés publics.
En France, la lutte contre le harcèlement de rue a été au coeur des débats de cette année 2018. Le 27 novembre, une plateforme d'écoute ouverte 24h sur 24 a été lancée par le gouvernement pour permettre aux victimes et aux témoins de violences sexistes et sexuelles de contacter les forces de l'ordre plus facilement.
Le texte du projet de loi contre les violences sexuelles et sexistes initié par la secrétaire d'état chargée de l'égalité femmes-hommes Marlène Schiappa a été adoptée par 224 voix contre 22 abstentions en juillet au Sénat, puis par le Parlement au mois d'août.
La loi prévoit notamment de condamner et verbaliser le harcèlement de rue requalifié de "délit d'outrage sexiste" une amende de 90 euros, pouvant aller jusqu'à 350 euros en cas de récidive.
Fin 2017, juste après l'affaire Weinstein qui a donné naissance au mouvement #MeToo, le nombre de plaintes déposées en France pour violences sexuelles a explosé de 30%, comparé à 2016. Mais le nombre de condamnations pour viol a paradoxalement chuté de 40% en l'espace de dix ans.
Comme l'a révélé une enquête Ifop commandée par la Fondation Jean-Jaurès et la Fondation européenne, 86 % des Françaises ont déjà subi, au cours de leur vie, une atteinte ou agression sexuelle dans la rue et 25 % au cours de l'année. On espère donc que ces mesures ne sont que le début d'une lutte acharnée pour éradiquer ce fléau.