"Ma noirceur, ma fierté, mon identité. Je suis fière de ma peau noire, je dis non à la dépigmentation !". C'est à la fois un cri du coeur et un cri de révolte que pousse la musicienne sénégalaise Mariaa Siga sur Facebook. Comme tant d'autres femmes aujourd'hui, l'artiste se révolte contre un fléau qui, depuis longtemps déjà, sévit dans son pays : la dépigmentation artificielle.
En ce mois de janvier, les membres du collectif "Ma noirceur, ma fierté, mon identité" ont d'ailleurs interpellé le gouvernement en manifestant du côté de Kaolack, l'une des plus grandes villes du Sénégal. Ces centaines d'activistes anonymes et indignées se mobilisent pour l'interdiction des produits dépigmentants. Sur leurs écriteaux, comme le relate le site d'actualités mauritanien Kassataya, on peut lire des slogans aussi fédérateurs que "Non à la dépigmentation". Un refus scandé haut et fort.
Des protestations vives qui nous rappellent que cette lutte d'envergure nationale est plus que jamais d'actualité.
Car au Sénégal, la dépigmentation artificielle de la peau est un phénomène répandu. Pas moins de 27 % des femmes y ont recours, comme le souligne Franceinfo. Et si l'on en croit la dermatologue sénégalaise Fatimata Ly, ce chiffre monterait même à 71 % pour ce qui est de la population considérable de Pikine (plus d'un million d'habitants), dans la région de Dakar.
Aujourd'hui, le collectif "Ma noirceur, ma fierté, mon identité" tire la sonnette d'alarme, mais cette "vague" de blanchiment n'est pas neuve. En 2013 déjà, comme le précise ce reportage, la dépigmentation artificielle était déjà très en vogue, touchant en majorité les Dakaroises âgées de 20 à 40 ans, et plus précisément les femmes ayant une activité professionnelle (et donc, un contact quotidien avec une clientèle). Un milieu où l'apparence (ses diktats, ses injonctions) importe beaucoup. Et les Sénégalaises ne sont pas les seules à y avoir recours. La dépigmentation des hommes, elle aussi, s'intensifie considérablement, alerte le site VOA Afrique.
Mais de plus en plus, les voix s'élèvent. Comme celle de la chanteuse camerounaise Mani Bella, qui voit là une "tendance" raciste effrayante. Voire même, une véritable "honte pour le continent". "Je suis juste une femme qui a longtemps été dans cette spirale de blanchiment de la peau. Une femme qui a renié ses origines africaines, sa couleur de peau à cause de l'influence des publicités et des standard et critères de beauté", dénonce-t-elle sur Facebook. Face à ce fléau banalisé par le marketing, la chanteuse invite plutôt les citoyens et citoyennes à "valoriser la peau noire".
Un mot d'ordre salvateur. Car cette quête de la peau blanche, dénonce encore le sociologue Khaly Niang, n'est pas juste un "phénomène social" mais "un drame sociétal". Il faut dire qu'éclaircir sa peau n'est pas sans risques. Les produits vendus pour ce faire (des laits, des gels, des crèmes, des médicaments) sont bien souvent toxiques et leurs incidences, nombreuses : infections épidermiques, maladies de la peau, troubles neurologiques, diabète ou pire encore, tel que l'énumère le site de l'association Afrique Avenir.
Raison de plus pour alerter, donc. Et pour protester.