C'est quoi le "nothing summer" ? "L'été du rien", ou la douloureuse sensation d'avoir foiré son été, faute d'activités, de voyages et autres précieux moments générant les likes sur Instagram. Un sentiment qui s'exacerbe à la rentrée, dur retour à la réalité d'où émane une déprimante impression de "Tout ça pour ça ?".
Cette sensation d'avoir gâché son été et les vacances qui vont avec n'est évidemment pas indifférente au contexte actuel, celui de la pandémie, situation exceptionnelle synonyme de port du masque, d'annulations d'escales et de plannings modifiés pour certains. Car beaucoup d'entre nous, le coronavirus a quelque peu dévié les lignes de ces sacro-saints instants de détente annuels. Et puis, il y aussi la pression suscitée par les réseaux sociaux de ses amis, riches en beauté et en dépaysement, là où votre expérience de l'été a pu sembler plus humble et intimiste.
Mais rassurez-vous, ce blues de la rentrée n'a rien d'une fatalité. Encore heureux.
De prime abord, penser que son été fut un vaste gâchis a apparemment tout de la réflexion hors sujet si ce n'est diablement égocentrique dans un contexte où des problèmes un brin plus inquiétants bousculent le cours du monde. Monde dont nous ne sommes pas le nombril, rappelons-le. Cependant, cette réflexion n'a rien de cynique ou d'obscène. Au fond, elle témoigne d'un réflexe des plus humains. Le sentiment de déception lui-même n'est pas insensé, même en pleine pandémie.
"Beaucoup d'entre nous avaient des attentes élevées quant à ce que cet été apporterait, mais la réalité a pu être assez différente et difficile à affronter. Nous avons appris à gérer la déception au cours des 18 derniers mois, mais cela ne veut pas dire que nous n'allons pas nous sentir contrariés ou stressés lorsque nous y ferons face à nouveau - toutes ces émotions sont normales et légitimes", décrypte avec minutie la thérapeute Jodie Cariss auprès du magazine en ligne Stylist.
La manière dont le Covid a bousculé nos habitudes et nos activités culturelles n'a pas été sans effets sur nos vacances. A cela, il faut encore ajouter une forme de fatigue, physique et psychologique, partagée par beaucoup. D'où cette sensation d'avoir vécu un été aux antipodes du summer of love. Bien des individus éprouvent le blues saisonnier : une forme de mélancolie associée aux effets d'une saison (comme l'été) sur l'organisme et l'esprit. Mais perdure aussi un blues "post-saisonnier" : le spleen éprouvé quand une saison se termine doucement et laisse sa place à une autre, nous rappelant de fait tout ce que l'on a pu y faire, ou au contraire... ne pas faire.
Là encore, cette culpabilité ressentie s'explique aisément si l'on tient compte de ce qu'un été est censé incarner aux yeux de la doxa. De la détente et du lâcher prise, certes, mais aussi, des souvenirs forts, des escales, de jolis diaporamas sentant bon le soleil et l'ailleurs. Comme si un été ne pouvait pas se résumer à sa simple sérénité. Une idée visible dès le plus jeune âge, coronavirus ou non : de nombreux parents n'envisagent pas que leurs enfants puissent "ne rien faire" durant leurs vacances. Même si ne rien faire, c'est déjà faire beaucoup.
Alors, comment affronter la déception du "nothing summer" ? Simple. La thérapeute Jodie Cariss a quelques conseils. Communiquer, déjà – la clef de bien des maux, de l'anxiété à la mélancolie. "Parlez de votre déception avec les autres - vous n'avez pas à la cacher ! - et faites savoir à vos proches ce que vous ressentez", prescrit l'experte. L'idéal pour se mettre à nu, mais aussi dialoguer, et retrouver, on l'imagine, une forme de recul et de distance nécessaires. Relativiser n'est jamais le pire des réflexes.
Autre astuce ? Par l'introspection qui précède le dialogue, reconnaître ses émotions négatives. Ne pas tourner autour du pot et embrasser cette déception qui ne dit pas toujours son nom. Toujours mettre des mots sur ses sentiments pour mieux les affronter, une technique qui a fait ses preuves, même si elle n'est pas forcément agréable.
Enfin, Jodie Cariss suggère de se reposer. Tout simplement. Mettre de côté smartphone et réseaux sociaux, écrans et messageries, histoire de souffler un peu lors de cette nouvelle rentrée.
Sans hésiter à s'offrir un petit quelque chose – une balade, un livre, un cinéma – pour mieux se changer les idées et prendre soin de soi. Mais prendre soin de soi, c'est aussi se poser de bonnes questions. Par exemple : avez-vous vraiment vécu un "nothing summer" ? Bien souvent, le "rien" ne se définit qu'à travers les subjectivités. Et n'existe que suivant une logique, celle du "plus" : plus d'initiatives, de voyages, d'activités, etc.
C'est ce qu'explique l'autrice américaine Sadie Hoagland le temps d'un post Medium. "A mesure que l'été se déroulait, je ressentais le sentiment que j'aurais dû en faire plus", relate l'écrivaine. Tant et si bien que sur les conseils de son mentor en écriture à l'université, la narratrice a finalement décidé d'établir des listes de ce qu'elle faisait véritablement pendant l'été. Même les petites choses qui n'ont l'air de rien.
Jardinage, nettoyage de printemps, baignades, lecture, écriture... En listant ainsi, l'on se rend plus facilement compte que des vacances perçues comme pantouflardes, casanières ou simplement vaines sont loin d'être si "improductives" que cela. Conclusion du post ? "Après l'année que nous avons tous eue, je pense qu'il est très important de célébrer les succès, les choses que nous avons faites, ne serait-ce que serrer des amis ou parents dans nos bras".
Une philosophie de vie à chérir.