Ils poussent comme des champignons bio, les endroits qui proposent des plats sans gluten. En plus de satisfaire une foule d'intolérants plus ou moins sincères, ces restos autoproclamés healthy en font souvent leur argument de vente numéro un. Et ça marche. Car aujourd'hui, le sans gluten est associé à un régime équilibré, qui a réussi à se hisser en haut du top des tendances food du moment.
Avant d'aller plus loin, revenons aux origines du mal culinaire, comme on le décrit souvent dans les cercles de bouffe saine. Le gluten, pour ceux qui seraient passés au travers des mailles du filet, est une protéine que l'on retrouve dans beaucoup de céréales qui servent à faire le pain, les pâtes, la bière ou encore les chaussons aux pommes, viennoiserie injustement sous-estimée qui regorge, tout comme ses acolytes croissant et pain au chocolat, de l'enzyme qualifiée problématique. La question se pose donc d'elle-même : en quoi est-ce un problème ?
C'est simple. Pour certains, le composant est source de désagréments digestifs sévères et de fatigue inexpliquée. C'est ce qu'on appelle l'intolérance, ou maladie coeliaque. Une condition qui provoque une malabsorption des nutriments et requiert un régime ferme où toutes les formes de la protéine seront supprimées. Plus rares encore, les allergiques au gluten subissent une réaction immédiate et dangereuse lorsqu'ils en consomment. Une véritable souffrance qui handicape leur quotidien.
Pour les autres, en revanche, la raison est davantage liée à un choix personnel qu'à une sensibilité réelle. Le gluten étant principalement présent dans des aliments assez caloriques, il a été associé à une cuisine plus riche. On voit donc apparaître, depuis quelques années, une ribambelle de fous de la food qui clament leur intolérance comme d'autres chanteraient Céline Dion passé minuit un soir de cuite : sans vraiment savoir pourquoi, si ce n'est l'engouement collectif.
Alors, si ces supposés intolérants au gluten exagèrent, qu'en est-il des restos garantis, eux, sans gluten ? Sont-ils aussi irréprochables qu'ils le prétendent sur leur menu ? Spoiler alert : il semblerait que non. D'après une étude menée par l'Université de Columbia, à New York, un tiers des menus garantis gluten-free contiendrait du gluten. Un chiffre énorme quand on sait que l'équipe de scientifiques a testé 5600 établissements dans le pays. Les résultats les plus alarmants se retrouvent dans les pizzas et les pâtes labellisées gluten-free, avec la moitié d'entre elles qui en seraient composées.
Sur ce point, le docteur Benjamin Lerner, chercheur en charge de l'étude, explique qu'il s'agirait "d'un souci de contamination. Utiliser des ingrédients sans gluten ne suffit pas à assurer que la protéine ne se glissera pas dans le plat". Car même si l'on réalise une pâte avec de la farine dépourvue de gluten, cela n'empêchera pas les particules de la préparation d'à côté, si elle en contient, de venir contaminer la première. Rien à voir avec une volonté machiavélique du restaurant d'en glisser dans son menu, mais les conséquences sont les mêmes pour les intolérants.
Le conseil du pro ? "Ne pas prendre les restos sans gluten pour argent comptant", confie Lerner. On se contentera donc de miser sur nos cinq fruits et légumes par jour quand on est de sortie, ou de piocher dans les deux tiers de lieux qui ont passé l'inspection haut la main - ce qui donne tout de même près de 4000 établissements.