Le 8 juin dernier, l'administration du collège Gustave-Flaubert, à Duclair, en Seine-Maritime, envoyait aux parents d'élève un mail concernant leur tenue. Dedans, est stipulé que les jeunes filles ne devront plus se rendre dans l'enceinte des lieux vêtues d'un crop top, et les garçons d'un short de bain. Le lendemain, Mathilde, 14 ans, inscrite en 3e, fait les frais de ces nouvelles interdictions.
Alors qu'elle arrive au collège avec un t-shirt au-dessus du nombril, comme certaines de ses amies, elle est interpellée à la sortie du bus par un·e membre du corps enseignant, rapporte 76actu. Les sanctions tombent immédiatement. "Elle a été exclue pour la journée pour avoir porté un 'crop top'", s'indigne sa mère, Anne-Sophie, auprès du journal local. "J'ai refusé qu'elle rentre à la maison. Pour moi, elle n'avait pas à être exclue". A la place, Mathilde est donc punie et enfermée dans une salle.
En allant aux toilettes dans la journée, elle envoie une photo d'elle dans un groupe Snapchat. Manque de bol, parmi les participant·e·s se trouve une surveillante. "Cette dernière a dénoncé ma fille à la direction, car elle n'a pas le droit d'avoir son téléphone portable avec elle au collège. Mathilde a alors eu deux jours d'exclusion en plus. Même si je sais que le téléphone est interdit au collège, je trouve cette façon de faire inadmissible", commente Anne-Sophie.
Elle revient également sur le mail reçu la veille, qui "indiquait que les filles n'avaient plus le droit de porter de 'crop top'". "J'ai répondu en disant que je n'étais pas du tout d'accord avec cela", poursuit-elle. "On ne stigmatise pas un genre et un vêtement en particulier qui ne montre d'ailleurs que le ventre..."
Face à ce qu'elle considère comme une injustice, Anne-Sophie, accompagnée de deux autres mamans d'élèves, organise un rassemblement le 10 juin devant les lieux. Plusieurs dizaines d'adolescentes arrivent alors elles aussi en crop top. Une solidarité qui n'a toutefois pas fait plier la principale, Régine Deperrois, fermement attachée à combattre le "phénomène grandissant de tenues non adaptées". Sacrée lutte.
"J'ai été très surprise de la réaction de certains parents. Dès le mercredi, nous avons reçu des mails insurgés", s'étonne-t-elle à son tour auprès de 76actu. "On peut porter un tee-shirt qui s'arrête juste au-dessus de la taille, mais on ne montre pas son ventre à l'ensemble de la communauté, c'est une règle commune pour bien vivre ensemble. Et nous ne ciblons pas les filles en particulier. Les garçons n'ont par exemple pas le droit de venir en short de bain".
A juste titre, la mère de Mathilde lâche qu'au contraire, cela cible bel et bien les filles. Et qu'un tel raisonnement est particulièrement dangereux, tant il peut amener à des raccourcis nocifs : "On ne voit pas les parties intimes, ce n'est pas indécent, ce n'est pas transparent. On voit un ventre, comme on verrait une épaule. Je n'aime pas cette hypersexualisation des jeunes filles et cela va dans le discours du 'tu portais une mini-jupe, il ne faut pas t'étonner si tu te fais agresser'. On déplace le problème."
Seulement, Régine Deperrois ne le voit pas toujours pas de cet oeil-là. Elle persiste à appeler à la pudeur, comme le ministre de l'Education nationale Jean-Michel Blanquer, fervent défenseur de la sacrosainte "tenue républicaine", il y a quelques mois.
La principale précise par ailleurs que dans le mail envoyé le 8 juin, elle annonçait contacter "les parents pour qu'ils viennent apporter une tenue décente" aux fauteur·se·s de troubles. "Nous avons donc appelé la maman d'une jeune fille qui portait une tenue trop légère", explique-t-elle au journal local en parlant de Mathilde. "Mais elle a refusé et nous a tenu un discours féministe alors que nous ne sommes pas du tout là-dedans". Cela va sans dire.