Non, il ne s'agit pas de signer un contrat entre personnes consentantes, mais de définir plus précisément ce qu'est le consentement et surtout de le faire comprendre à la société suédoise. La Suède a adopté fin mai une loi qui est entrée en vigueur ce dimanche 1er juillet. Elle renforce le rôle du consentement dans les rapports sexuels et introduit deux nouveaux crimes qui sont le viol et l'outrage sexuel "par négligence". Ainsi un viol ne sera plus basé sur la violence ou la menace mais sur la volonté des personnes à consentir à une relation sexuelle.
Cette loi est le résultat d'un travail de fond des militant·e·s suédois·e·s, mais elle a connu un coup d'accélération grâce au mouvement #MeToo. En mai 2013, des agresseurs avaient été déchargés du crime de viol sur une adolescente pour lui avoir introduit une bouteille dans le vagin jusqu'à ce qu'elle saigne. La justice de ce pays scandinave, pourtant très avancé en matière d'égalité, avait jugé que "les gens impliqués dans des activités sexuelles font des choses naturellement au corps de l'autre d'une manière spontanée, sans demander le consentement." Le fait que la jeune fille n'ait pas voulu ouvrir ses jambes pendant le viol avait été vu comme un signe de "timidité". Cette décision avait indigné l'opinion publique suédoise. Les trois garçons avaient plus tard été condamnés en appel.
Plus récemment, en 2017, 7 000 plaintes pour viol ont été déposées en Suède, soit une hausse de 10 % par rapport à 2016 comme le rapporte Le Monde. Kararina Bergehed, la responsable droits des femmes chez Amnesty International Suède, explique : "Cette loi est normative, elle fixe ce qui est acceptable ou non dans notre société". Il y a quarante ans en effet, une loi sur les châtiment corporels votée en Suède avait fait changer la perception de ces violences sur les enfants. La militante espère que le même processus opérera pour le consentement.
Dans un tribune parue dans le magazine Time, Kararina Bergehed le martèle : "La passivité n'est pas un signe de participation volontaire". Dans ce sens, la nouvelle loi suédoise rend illégales les relations sexuelles avec les personnes qui ne participeraient pas de manière "volontaire". "Une personne doit être d'accord en employant des mots ou en démontrant clairement qu'elle veut se livrer à une activité sexuelle."
On reproche souvent aux victimes de viol de n'avoir pas réagi contre leur agresseur. Kararina Bergehed partage les résultats d'une étude réalisée dans son pays qui révèle que 70 % des personnes survivantes de viol ont vécu l'expérience d'une paralysie involontaire. Amnesty International déplore le fait que les lois qui ne reconnaissent pas le consentement "contribue à renforcer l'idée selon laquelle, en tant que femmes, il relèverait de leur responsabilité de se protéger du viol." L'organisation de défense des droits humains ajoute : "Selon les attentes de la société, mais aussi selon de trop nombreux systèmes de justice pénale, il incombe aux femmes de se défendre plutôt qu'aux agresseurs de ne pas violer."
Le Premier ministre suédois Stefan Löfven s'est aussi montré engagé : "Cela devrait être évident. Le sexe devrait être volontaire. Si ce n'est pas volontaire, alors c'est illégal. Si vous n'êtes pas sûr, alors abstenez-vous." L'ordre des avocats et le Conseils des lois suédois sont critiques et doutent de la possibilité de mettre en place une telle loi. Anna Hannel est juge, elle a participé à l'élaboration de cette nouvelle loi. Elle précise à l'agence de presse TT le but de la loi et répond aux dubitatifs : "Il n'y a absolument aucune exigence de dire oui formellement, de cliquer sur un bouton dans une appli ou quoique ce soit de cet acabit. Simplement participer physiquement est un signe de consentement".
En Suède, l'auteur·rice de viol peut être condamné·e à une peine de six ans de prison, dix si la victime est mineure. En mars, l'Islande avait également adopté une loi condamnant le viol sur la base du consentement. La Suède est le dixième pays en Europe à adopter une loi dans ce sens. Amnesty International rappelle que 15 millions d'Européennes de plus de quinze ans ont été violées.