Deux Danois·es sur cinq désapprouveraient le mouvement #MeToo. Ce chiffre était tombé lors d'un sondage mené par l'institut YouGov auprès de 25 000 personnes dans 23 nations. Selon cette enquête, seuls 4 % des hommes et 8 % des femmes approuveraient cette libération massive de la parole au Danemark. On l'imagine, cela ne facilite pas l'émergence de témoignages. Malgré les dernières révolutions féministes, viols et agressions sexuelles semblent encore tabous dans le pays scandinave.
Et pourtant, les choses changent. Petit à petit. Et cela passe par la législation. Comme l'indique Franceinfo, le ministre de la Justice Nick Haekkerup a effectivement annoncé le 1er septembre dernier une réforme de la loi sur le consentement sexuel. Elle pourrait être adoptée d'ici la fin de l'année 2020. Et cette notion de "consentement" est primordiale. Car jusqu'ici, la loi nationale limitait la notion de "viol" à celles de "violences" et de "contraintes". Sans prendre en considération le fait qu'une agression sexuelle n'engendre pas forcément de violences physiques.
C'est d'ailleurs ce dont témoigne Isabel Donen, une étudiante danoise. Isabel Donen a été victime de viol. Elle raconte : "Je voulais bien qu'on s'embrasse, mais rien de plus. Je lui ai dit non. Plusieurs fois. Mais il s'est couché sur mon ventre et il est entré en moi. Pour que cela soit jugé comme un viol, il aurait dû y avoir des violences. Mais il n'y en avait pas". Et Isabel Donen n'est pas seule. D'où la nécessité de bousculer (enfin) le système.
Et c'est là l'intention de cette loi sur le consentement qui, on l'imagine, insiste avant tout sur l'importance de l'accord de la ou du partenaire durant l'acte sexuel. Le consentement doit donc être formulé ou exprimé "indirectement". Et "non" signifiera toujours "non", quel que soit le contexte. Définir avec précision l'expression du consentement (quand elle n'est pas verbale par exemple), n'est pas chose aisée. Mais cette avancée, par-delà la législation, aura déjà le mérite d'engendrer des débats dans une société circonspecte face à ces notions.
Et autant dire que la situation est urgente. L'an dernier encore, un rapport accablant de l'ONG Amnesty International rappelait qu'au Danemark, bien des viols et agressions sexuelles sont encore passés sous silence (les femmes craignant "d'être culpabilisées et humiliées" par la police lors de de leurs dépositions), les victimes non-entendues et stigmatisées, et les agresseurs impunis. En 2017, l'on dénombrerait pas moins de 5 100 femmes victimes de viol ou de tentative de viol, selon les chiffres officiels du ministère de la Justice.
Mais associations et enquêtes parallèles mettent plutôt en avant un chiffre plus conséquent encore : 24 000 viols ou tentatives de viols en un an seulement. Et parmi ces chiffres, seules 535 affaires auraient entraîné des poursuites. Comme en France, de nombreux dépôts de plaintes sont encore classés sans suite. Pour Amnesty, les lois du Danemark ne sont pas adaptées à la réalité des faits. Non, elles sont "dangereuses et obsolètes".
Il y a trois ans, il était donc déjà grand temps de "réformer". Ne serait-ce que pour contrer une culture du viol faite de stéréotypes datés et de préjugés qui, encore une fois, ralentissent la libération de la parole et la justice. Gageons que l'adoption de cette réforme puisse poser les bases d'un Danemark plus égalitaire...