Avec le magnifique "La fiancée du poète", Yolande Moreau célèbre l'art, mais aussi l'âge (des femmes)
Avec le magnifique "La fiancée du poète", Yolande Moreau célèbre l'art, mais aussi l'âge (des femmes)
Comédie fantasque et portrait de famille délicieusement subversif, le nouveau film en tant que cinéaste de Yolande Moreau est également une oeuvre joyeusement féministe. A découvrir en salles dès à présent, et sans hésiter.
L'histoire ? Mireille est une artiste incomprise, senior sortie de prison travaille dans une cafétéria. Solitaire, elle est hantée par ses souvenirs : ceux de son amant d'antan, un poète espagnol. Mais sa vie va se voir bouleversée le jour où, au sein du château héritée de sa mère, aux abords de la Meuse, elle va accueillir trois locataires d'âges et d'horizons divers.
Non content d'être un portrait de famille délicieusement fantasque ("c'est comme une famille, en plus subversif", nous explique-t-on à propos du clan au coeur du film), ainsi qu'un conte de fées moderne prenant place dans un magnifique château surplombé d'un décor pastoral renvoyant aux fables animalières (un petit coin de paradis au sein duquel règne un cerf), La fiancée du poète est également une oeuvre joyeusement féministe.
Une irrévérence malicieuse qui palpite dans cette comédie pleine de fantaisie et de caractère, citant tour à tour Steinbeck, Elvis Presley, Paul Valéry, ABBA, Jack London, mais également... Brigitte Lahaie ! Cependant, si l'humour de Yolande Moreau nous est familier, il n'en est pas forcément de même concernant sa discrète mélancolie. Un spleen intime mais aussi politique.
Car dans la peau de Mireille, l'actrice se met à nu. Libérant ses abondants cheveux blancs, elle assume tout : son âge et son apparence, ainsi que la clarté qui en émane. Ce faisant, l'artiste tacle en douceur les discours âgistes des machos en manque d'imagination.
L'âgisme, c'est cet ensemble de discriminations qui visent notamment les femmes une fois passé le cap des cinquante ans. On invisible les quinquas, sexas, septuagénaires, on pointe du doigt leurs rides, leurs cheveux blancs et gris, on nie leurs désirs encore existants, on cherche à les mettre au ban de la société.
Tout cela, l'artiste y rétorque à travers une très belle séquence : Mireille se contente de poser, lumineuse, face à son locataire artiste peintre. Le message est clair : l'âge est un art.
Et le temps qui passe, loin des complexes et des injonctions sexistes largement banalisées par la publicité, peut tout à fait être source d'apaisement, d'amour de soi et de son corps. C'est une déclaration d'amour à soi-même, et aux femmes en général. Mireille, la soixantaine passée, est encore actrice de son désir, aimante, et a la grâce d'une égérie.