Le 15 mai dernier, l'ancienne ministre de la Santé Roselyne Bachelot et le journaliste et écrivain Bernard Pivot étaient invités sur le plateau de l'émission de France 5 C à Vous, répondant aux interrogations d'Anne-Elisabeth Lemoine et de Patrick Cohen. Tout en respectant les mesures de distanciation sociale évidemment. Et ce qui est certain, c'est que le féminisme les respectait tout autant : il était loin, loin, loin. Peut-être trop. La preuve, lorsque s'est posée cette question : faut-il dire "le" ou "la" Covid-19 (comme l'énonce l'Académie française) lorsque l'on évoque le coronavirus ?
"On ne va pas lui mettre le féminin, dans le féminin il y a une sorte de douceur, de tendresse !", a décrypté du tac au tac l'ancien président de l'académie Goncourt, Bernard Pivot. Selon lui, le Covid est un impitoyable "tueur de vieux", donc il est forcément masculin. Au-delà du fait que le coronavirus met également en danger les jeunes, cette fine analyse n'a pas convaincu tout le monde, loin s'en faut.
Suite à la diffusion de cette courte séquence, bien des commentaires critiques sont venus épingler sur les réseaux cette pépite sexiste. Il faut croire que comme le coronavirus, les clichés machos ne prennent pas de vacances.
"Pivot le patriarche nous dit que le féminin c'est fait pour être doux et tendre, alors que le masculin c'est fait pour être rude et sec", ironise à ce titre un internaute. "[Doux et tendre], comme "une" exécution, "une" infraction, "une" oppression, "une" persécution, une explosion, une excision, une guerre, une famine, une agression... Tant de douceur et de tendresse dans tout ça !", poursuit une autre sur le même ton. Ouille.
"C'est vrai que 'la peste noire' ou 'la bombe atomique', ça respire la douceur et la tendresse. Pire 'argument' possible, 0 linguistique, 100% cliché. Il est temps de fermer "ton" bouche, Bernard", a riposté sur Twitter la maîtresse de conférences en langue française Laélia Véron. Une répartie cinglante saluée par des milliers de like et de retweets. "Franchement, les médias devraient le laisser en paix, inviter des personnes compétentes sur la question, ça lui éviterait de se ridiculiser et ça nous éviterait de nous énerver. 'La' retraite, c'est féminin, c'est doux, c'est tendre, certains devraient y penser...", a développé la linguiste. Et toc.
Comme le rappelle à juste titre l'experte, ce n'est pas la première fois que Bernard Pivot se confond en analyses rétrogrades. On se souvient notamment de cette blague (involontaire) nous renvoyant aux mentalités du siècle dernier : ""Femme" est un mot qui contient 2 m, soit 6 jambes, 2 pour elle, 2 pour l'homme, 2 pour l'enfant."
Un énième exercice de style largement raillé par les internautes. Mais qui ne vaut pas son "hommage" des plus maladroits à la jeune militante écologiste Greta Thunberg : "Dans ma génération, les garçons recherchaient les petites Suédoises, qui avaient la réputation d'être moins coincées que les petites Françaises. J'imagine notre étonnement, notre trouille, si nous avions approché une Greta Thunberg". On appréciera cet échange bienveillant entre les générations. De quoi décocher un "OK boomer" bien mérité.
"Ça fait longtemps que Bernard Pivot enchaîne des propos douteux et scandaleux. Ce n'est pas parce que quelqu'un est depuis longtemps dans les médias qu'il faut le réinviter s'il n'a pas/ou n'a plus de pertinence ou de légitimité", a achevé Laélia Véron en guise d'épilogue. A bon entendeur.