Les données alertent. Selon une étude de la plateforme d'intérim Qapa, 56% des Français craignent de retourner au travail dans le contexte de la crise du coronavirus. Soit plus d'un·e salarié·e sur deux. La rentrée 2020 risque donc d'être compliquée. Rien de très étonnant en soi. Au coeur de cette réticence, bien sûr, l'angoisse suscitée par la pandémie. Des mois après le déconfinement, le coronavirus génère encore bien des émotions. Peur d'être contaminé·e ou de contaminer autrui. Incompréhensions. Attitudes contradictoires - selon la même étude, 38% des salariées refuseraient également de porter le masque en entreprise. Mais aussi, un profond sentiment d'incertitude.
Face à cela, demeure la grande question professionnelle : comment évoquer ses appréhensions à sa ou son boss ? Et lui suggérer que, peut-être, poursuivre le télétravail - après des mois de labeur à domicile - ne serait pas si absurde ? Le dialogue n'est pas encore des plus aisés. Il faut parler avec doigté, pragmatisme et délicatesse. Mais rassurez-vous, les paroles expertes ne manquent pas pour vous guider.
La preuve ? Ces 7 solutions s'offrent déjà à vous.
Pour dire les choses, rien de tel que d'organiser une réunion, via Zoom ou Skype. Cela permet de poser votre situation dans un cadre réellement professionnel, mais aussi familier - les réus en distanciel ont abondé ces derniers mois. De plus, un instant de tête-à-tête dédié à ce souci fera comprendre à votre boss que votre réticence n'a rien d'anecdotique : elle ne peut être balayée d'un revers de la main, et mérite un échange à part entière.
C'est la coach en développement de carrière Brie Reynolds qui l'explique au magazine Inverse : "Il faut demander une réunion spécifique pour en discuter plutôt que d'essayer de caser cette préoccupation dans une réunion déjà existante. Et puis, cela vous donne le temps de préparer vos points de discussion".
Attention à ne pas confondre l'oreille de votre boss avec celle d'un·e psy. Dans le cas présent, il faudra être direct·e. Ne pas y aller par quatre chemins pour évoquer à la fois votre crainte de revenir au bureau, mais également votre disposition à poursuivre le télétravail. Parler frontalement permet de ne pas ouvrir la porte à l'incompréhension, aux non-dits (le fléau de toute vie d'entreprise) et aux malentendus.
Ici, pas de tabou. "Lorsque les choses sont moins claires, les gens sont plus susceptibles de s'appuyer sur des notions préconçues", nous rappelle Hannah Riley Bowles, experte en négociation à la Harvard Kennedy School interrogée par CNBC. Ce qui ne ferait qu'alourdir une charge mentale déjà bien pesante en ces temps de pandémie.
Une seule philosophie à garder à l'esprit : il n'y a pas de problèmes, que des solutions. Au lieu d'insister sur la dimension problématique - et donc négative - de la situation (qui doit bien sûr être évoquée, notamment votre impression d'insécurité), proposez des alternatives. De quoi rendre votre échange plus positive attitude-friendly.
Par exemple ? Partagez votre approche de la productivité (la qualité, la quantité, l'organisation). Expliquez en quoi le télétravail permet d'accroître cette efficacité au quotidien, exemples solides et bilans à l'appui. Autre astuce : proposez un échange avec le service des Ressources Humaines, adéquat pour éclaircir certains doutes.
Selon les entreprises, alerter les RH permet d'y voir plus clair en terme d'options de travail à distance et d'accommodements standards. Hannah Riley Bowles vous recommande d'ailleurs de leur faire part de vos préoccupations personnelles avant même d'en parler à vos supérieurs, histoire d'avoir des bouts de réponse au préalable. "[Expliquez] pourquoi cet accommodement devrait s'appliquer à vous", énonce l'experte.
L'accommodement en question peut prendre une forme tout à fait pragmatique : pourquoi ne pas proposer de travailler la moitié de la semaine au bureau, l'autre à domicile ? Une idée qui peut faire la différence si votre boss est (vraiment) dubitatif·ve. La négociation du 50/50 peut aussi bien apaiser votre esprit que le sien, tout en démontrant les différences de productivité entre vos heures de télétravail et vos journées au sein de votre entreprise, notamment si celles-ci s'avèrent ponctuées par davantage de déplacements et d'interruptions.
Autrice et spécialiste en négociation de travail, Deborah Kolb vous conseille de demander trois jours de télétravail par semaine. Un chiffre raisonnable et un équilibre qui, pourquoi pas, pourrait suggérer la possibilité d'un changement plus durable. "Vous pouvez toujours dire à votre patron·n·e que s'il ou elle n'est toujours pas satisfait·e de vos résultats, alors vous reviendrez au bureau", nous explique par ailleurs CNBC.
Que du pro, pas de perso ? Non non, pas de panique, la coach Brie Reynolds nous invite à la nuance. Elle explique : "Si vos besoins personnels vous obligent à continuer de travailler à domicile parce que vous ne vous sentez pas en sécurité en retournant au bureau, que vous ou un membre de votre famille avez un problème de santé, il peut être acceptable d'expliquer votre situation à votre boss ou aux RH". Et du même coup, de leur demander de continuer à travailler à domicile.
Même son de cloche pour l'experte en consulting Jaime Klein, qui déploie sa pensée dans les pages de Newsweek : "Avant [la pandémie], de nombreuses personnes auraient été gênées de soulever des questions plus personnelles, mais désormais, c'est le moment où nous devons parler de façon authentique".
Après tout, quoi de plus normal qu'une situation de pandémie mondiale se prête à de telles dispositions ? Témoigner de ce vécu, c'est aussi avancer que, malgré tout, vous parvenez à concilier vie perso et vie pro, individualité - ou vie de famille - et travail d'équipe. De quoi convaincre les plus réticent·e·s des boss. "Lorsque vous parlez à votre patron, veillez à ce que vos arguments ne soient pas uniquement axés sur ce qui est le mieux pour vous", ajoute cependant Riley Bowles. On le répète, tout est dans le doigté.
"Les gens sont généralement réticents à toute demande [quand vous les pressez]", déclare au site Bloomberg l'expert en négociation Parker Ellen. La pression, qu'est-ce que c'est ? Menacer ses supérieur·e·s de poursuites si vous tombez malade en cas de retour au bureau, par exemple. Pour entamer une discussion ou déployer vos arguments, les menaces ne vous seront pas utiles, insiste la spécialiste.
En lieu et place, privilégiez le dialogue. Posez des questions. Comment s'est passé le travail à domicile pour votre boss ? Et pour l'entreprise ? Réfléchissez à quelques points rhétoriques. Quels sont les avantages du télétravail pour l'entreprise ? Cerise sur le gâteau, n'hésitez pas à privilégiez les formulations enthousiastes, type : "Si ma productivité diminue, je serais heureux·se de revenir". Une recommandation de Nora Jenkins Townson, conseillère pour plusieurs entreprises. Pas bête.
Pour que votre boss se sent·e concerné·e, n'hésitez pas à rappelez les bases. Comment ? En lui répétant les consignes gouvernementales. Petit coup de rétro, pour la forme : la ministre du Travail Elisabeth Borne a indiqué le 16 août que le télétravail "reste recommandé" et "il faut le mettre en place chaque fois que c'est possible dans les zones de circulation active du virus". CQFD.
Ce faisant, n'hésitez pas à interroger votre boss sur les mesures de prévention et de sécurité mises en place dans l'entreprise. Comment le personnel sera-t-il alerté si un collègue est porteur du virus et comment l'entreprise agira-t-elle pour limiter la propagation ? Voilà des questions, concrètes sans être alarmantes, qui témoignent de votre intérêt pour l'entreprise, comme de vos préoccupations actuelles, assure Newsweek. Le magazine en est persuadé : par les temps qui courent, "votre patron devrait s'intéresser davantage à votre santé". On l'espère.