La pandémie du coronavirus fait l'effet d'une loupe redoutable, pointée sur les catégories sociales et individus les plus invisibilisés, des personnes en situation de handicap aux plus fragiles psychologiquement. Mais cette crise sanitaire fait également beaucoup de mal aux femmes. Et pas simplement parce qu'elles sont moins bien protégées face au virus en raison d'un équipement standard non-adapté.
C'est encore au sein d'une vie professionnelle bouleversée par le contexte que le bas blesse. On était déjà conscient de l'alourdissement considérable de la charge mentale des femmes durant le confinement (lorsqu'elles n'étaient pas "dehors" en première ligne). "Les femmes et les hommes ne vivent pas le même confinement", avait d'ailleurs prévenu la secrétaire d'Etat à l'égalité femmes-hommes Marlène Schiappa, insistant sur la réalité d'un "épuisement silencieux" vécu par ces dernières. Et aujourd'hui, l'Institut national d'études démographiques (Ined) vient confirmer ces dires l'espace d'une enquête très détaillée.
Au sein de cette étude focalisée sur ce que la pandémie de Covid-19 a réellement changé pour les Français·e·s au niveau du travail, on apprend donc que si les femmes ont autant connu le télétravail que les hommes ces derniers mois, leurs conditions de vie diffèrent cependant. Pire encore, la situation professionnelle des femmes "s'est nettement détériorée" au fil des mois, entremêlant accablement pro, financier et psychologique. Et les raisons à tout cela sont multiples.
Oui, les conditions diffèrent. Pour la bonne raison que les femmes qui vivent ce télétravail sont plus souvent entourées d'enfants que les hommes, à raison de 48 % contre 37 % sur un échantillon global de 2 003 Français·e·s sondé·e·s. De plus, les télétravailleuses disposent moins souvent d'une pièce qui leur est réservée au sein de leur domicile, permettant de séparer dans l'espace vie familiale et vie professionnelle. Effectivement, seul un quart d'entre elles ont pu s'isoler dans une pièce uniquement dédiée à leur job, contre 41 % des salariés masculins. Une nuance de taille, qui touche autant la catégorie des cadres que celle des professions intermédiaires.
L'exception qui confirme la règle ? Les travailleurs et travailleuses indépendant·e·s, qui "plus souvent" disposent d'un espace spécialement aménagé pour se faire, qu'importe le sexe - habitude du télétravail oblige. Pas de quoi crier à l'égalité des sexes cependant. Car comme nous l'apprend encore cette étude, les femmes souffriraient davantage d'un arrêt de leur profession dû à la crise économique. Parmi celles qui occupaient un emploi début mars, deux sur trois seulement travaillaient encore au mois de mai. Contre trois hommes sur quatre. Une situation qui ne laisse rien présager de bon quant à l'évolution des inégalités professionnelles.
Et ce n'est pas tout. Le recours "massif" au télétravail a également nui aux relations intrafamiliales, en raison d'une surcharge à la fois domestique et professionnelle. Il faut dire que pour les femmes, cette double peine est presque historique. "La pandémie et la crise économique qu'elle a engendrée accentuent les écarts avec les hommes, après un demi-siècle de réduction des inégalités entre les sexes", s'attriste en ce sens la chercheuse Joanie Cayouette-Remblière, co-autrice de l'enquête.
"Comme les femmes gagnent en moyenne moins que les hommes, on privilégie l'emploi du conjoint aux dépens des leurs. Et pour les femmes qui ont dû arrêter de travailler ou renoncer à un contrat, il n'y aura pas de reprise automatique, déplore encore l'experte. Bref, entre répartition loin d'être égalitaire des tâches ménagères et parentales au sein des couples, santé mentale mise à mal, vie intime alourdie et incidences malheureuses des inégalités salariales, la vie post-confinement a de quoi donner des envies de révolution.