Les soignantes et soignants sont en première ligne face à la pandémie de coronavirus. Et malgré la prédominance médiatique des voix masculines (des experts scientifiques aux hautes hiérarchies de la médecine), ce sont les femmes qui, aux quatre coins du monde, occupent une place primordiale quand il s'agit de prévenir, sensibiliser, alerter et guérir. La preuve : en Afrique de l'Est, ce sont des milliers d'expertes et d'anonymes qui sont directement envoyées "sur le front".
Mais cette question des genres soulève bien des enjeux. Notamment quand il est question du port du masque, et de l'équipement des professionnels de la santé en règle générale. Le Guardian tire d'ailleurs la sonnette d'alarme : la majorité des masques et autres blouses étant conçus pour un "modèle masculin", sont-ils réellement adaptés à toutes celles qui l'arborent ? Spoiler : pas vraiment, malheureusement. Une interrogation matérielle qui fait suite à de nombreuses observations plutôt problématiques.
Voyez plutôt : des blouses hydrofuges dont il faut retrousser les manches, des masques qu'il faut serrer au maximum - et qui causent des rougeurs au visage - des équipements mal ajustés, trop larges, d'autres dont il convient de rafistoler ou combler les creux béants... Ce sont des témoignages édifiants que révèle le journal britannique. Ils nous font comprendre que, non, tout le monde n'est pas égal dans cette lutte contre la maladie.
"La vie des femmes est totalement menacée en raison d'un équipement de protection individuel mal adapté. Bien ajusté, l'équipement de base fonctionne, mais les masques sont conçus sur un modèle masculin... L'ironie étant que 75% des travailleurs de la santé sont des femmes !", tacle à ce titre Helen Fidler, médecin et vice-présidente du comité des consultants britanniques de la British Medical Association, association et syndicat de médecins. Un attirail si mal ajusté que certaines se voient obligées de le resserrer à grands coups de ruban adhésif.
Aujourd'hui, les soignantes en ont marre : trop grands et larges (avec des blouses "conçues pour un joueur de rugby", déplore encore Fidler), les équipements flottent (même les masques), les empêchent de voir ou de se couvrir la bouche correctement, et, surtout, de se protéger comme il le faudrait face aux patients contaminés. Du côté des équipes britanniques, on le déplore : une infirmière en soins intensifs a révélé que "la moitié des femmes de son unité" avaient échoué au test d'ajustement (un processus qui permet de savoir si oui ou non votre masque est de la bonne taille). A l'écouter, c'est toujours la norme masculine qui l'emporte.
"On considère cette norme comme quelque chose que l'on est obligées de supporter, mais ce n'est vraiment pas acceptable. Il ne faudrait pas attendre une pandémie mondiale pour comprendre que les femmes ont une physiologie différente. Le gouvernement a vraiment une responsabilité morale, légale et éthique : celle de régler ce problème rapidement", souligne Helen Fidler. Elle n'est évidemment pas seule à le penser.
Alors que les témoignages de soignantes anonymes s'alignent pour dénoncer cet équipement non-conforme aux normes de sécurité, qui ne protège pas suffisamment en plus de blesser l'épiderme, la ministre des Femmes et de l'Egalité britannique Elizabeth Truss, par ailleurs membre du Parlement, l'affirme : "Tout le monde a besoin du même niveau de protection". Oui, mais quand ?... Secrétaire générale du Congrès des syndicats, Frances O'Grady ne peut quant à elle plus attendre. Scandalisée, elle le déclare haut et fort dans les pages du Guardian : "Les femmes représentent près de huit personnes sur 10 au sein de la main-d'oeuvre hospitalière, et c'est une honte de ne pas avoir d'uniformes de protection pour ces travailleuses, elles méritent mieux".
Ces questions de masques, de lunettes de protection et de combinaisons ne sont pas accessoires. Non, elles témoignent du manque de considération flagrant observé à l'égard de celles qui sauvent des vies. Un problème pas simplement britannique. En France, rappelle l'Obs, plus de trois agents de la fonction hospitalière sur quatre sont des femmes. Elles représentent également 50% du personnel médical et 80% du personnel soignant, excusez du peu. 91% des 600 000 aides-soignants du pays sont également des aides-soignantes. D'où l'importance de ne plus mépriser toutes ces invisibles majoritaires.