Ce 9 août était un jour historique, ni plus ni moins. Pour la première fois, les drapeaux finlandais ont été érigés en l'honneur de Tove Jansson. Mais si, vous connaissez forcément cette écrivaine, peintre et dessinatrice née un 9 août à Helsinki. On lui doit les Moomins, ou Moumines dans la langue de Molière. Cette famille de joyeux trolls au look d'hippopotame séduit les enfants (et leurs parents) depuis leur première apparition, dans la littérature jeunesse suédoise des années quarante. Albums, séries et long-métrages d'animation, produits dérivés par ribambelles... Les Moomins sont vite devenus un véritable phénomène pop. Impossible d'y échapper.
C'est pour célébrer ces curieuses créatures que la Finlande a finalement décidé de consacrer à leur mère une fête nationale, la Journée Tove Jansson. Mais aussi, évidemment, pour rappeler la petite histoire de cette dernière, artiste inventive, moderne, libre. Son "influence unique sur l'art et la littérature finlandais" fut indéniable, s'enthousiasme dans les pages de News of Finland la Ministre de l'Intérieur Maria Ohisalo. Mais si son nom perdure, c'est également parce que "beaucoup de ses travaux abordaient les problèmes liés au traitement des minorités, mais aussi à l'expérience et à l'acceptation des différences", poursuit la politicienne.
L'un des ingrédients d'un parcours trop peu mis en lumière.
Oui, Tove Jansson, ce sont évidemment Papa, Maman et fiston Moumine - dont l'une des dernières déclinaisons à l'écran (Les Moomins et la chasse à la comète de Maria Lindberg) - compte à son casting Max Von Sydow et Bjork, excusez du peu. Mais pas seulement. Comme bien des consoeurs (Astrid Lindgren et sa tout aussi iconique Fifi Brindacier par exemple) l'autrice était avant tout une anticonformiste née. Issue d'une famille d'artistes, Tove Jansson cultive très tôt sa singularité et se lance dans l'écriture dès l'âge de quatorze ans. Durant sa vingtaine, cette pacifiste prête sa plume à quelques publications anti-fascistes. Comme pour préfigurer ses fantaisies qui, elles aussi, s'opposent à la brutalité d'un monde qui laisse peu de place à l'imaginaire et à l'émancipation qu'il procure.
Cette quête d'émancipation, nous la retrouvons dans son désir de création hétéroclite (oeuvres pour enfants, pour adultes, théâtre, peintures, chanson) mais aussi dans la relation qui a unit l'écrivaine à sa compagne, Tuulikki Pietilä. Le couple lesbien a perduré jusqu'à la mort de Tove Jansson, en 2011. "Elle a vécu ouvertement avec une femme, alors que jusqu'en 1971 l'homosexualité était encore criminalisée en Finlande", nous rappelle à juste titre la photographe Mari Pietarinen, pour qui l'autrice était indéniablement "une peintre et dessinatrice géniale, importante dans la vie culturelle finlandaise". Le site Moomin dédie même une longue analyse aux "thématiques queer" qui ponctuent ses créations...
A l'heure où la question de la visibilité des femmes lesbiennes est encore d'actualité, le nom de Tove Jansson se doit d'être (re)diffusé. L'autrice et dessinatrice Pénélope Bagieu le sait bien : elle en a fait l'une des emblématiques Culottées qui trône dans son album et best-seller éponyme. Pendant ce temps, les visiteurs s'amassent au sein du Musée des Moumines, à Tampere, dans le sud-ouest de la Finlande. Et les citoyens honorent la mémoire d'une personnalité indissociable de leur patrimoine culturel.