"J'avais 15 ans. Je rentrais de l'école à pied comme tous les jours, en uniforme. Ce jour-là, un homme n'a pas arrêté de m'envoyer des baisers depuis sa camionnette". Gabriella fait partie des femmes qui ont accepté de poser pour la photographe anglaise Eliza Hatch, depuis les lieux où elles ont été harcelées ou agressées sexuellement. Ce projet baptisé "Cheer Up Luv", que l'on peut traduire en français par "Un p'tit sourire ma belle", est née d'une remarque faite par un homme à Eliza Hatch, un jour où elle marchait seule dans les rues de Londres. "Un petit sourire", lui dit cet inconnu en la dévisageant. Au demeurant banale, cette petite phrase que la photographe a déjà entendue auparavant fait partie du registre favori des harceleurs.
"Cette seule phrase, que j'ai l'habitude d'entendre, m'a finalement énervée au point que je devais faire quelque chose à ce sujet, explique-t-elle au Huffington Post. Cela m'a incité à avoir une conversation avec mes copines sur le harcèlement et nous avons fini par échanger des histoires pendant plus d'une heure, en parlant du harcèlement sexuel comme si c'était la chose la plus normale au monde".
Sur son site, Eliza Hatch présente donc des dizaines de femmes, toutes harcelées ou agressées sexuellement dans la rue, les transports en commun ou en club. Certaines alors qu'elles étaient adolescentes. "Je rentrais du travail à pied et j'étais au téléphone. J'allais traverser la route. Un type en voiture s'est arrêté et m'a dit de monter avec lui", raconte Jess expliquant comment cet homme s'est obstiné à l'empêcher de passer jusqu'à qu'elle hurle et s'enfuit.
"J'étais dans le métro quand un homme plus vieux que moi m'a abordée et s'est mis à me poser des questions. On était seuls sur le quai et il m'a demandé si j'étais célibataire, si j'étais lesbienne, et finalement s'il pouvait me montrer son pénis", raconte à son tour Monica.
Juliette avait 19 ans lorsqu'elle a emménagé à Paris. "J'étais dans une rame de métro bondée et il y avait un mec collé contre mon dos. Il s'est mis à remuer. J'ai d'abord cru qu'il essayait de descendre de la rame, mais il m'a murmuré des choses à l'oreille".
Cheer Up Luv "s'adresse aux femmes impliquées et aux personnes qui ont des histoires à partager, explique Eliza Hatch. Je veux donner une voix aux femmes et continuer à sensibiliser le public à un problème dont on parlait à peine auparavant". Ce projet intervient deux mois après l'affaire Weinstein et la libération de la parole des femmes. Notamment avec les #Balancetonporc et #Metoo qui compilent des centaines de témoignages de femmes harcelées, agressées sexuellement ou même violées.