Monde
10 marches de femmes qui ont changé l'Histoire
Publié le 8 mars 2017 à 08:30
Par Charlotte Arce | Journaliste
De la marche des Parisiennes vers Versailles dans la France révolutionnaire au combat des suffragettes aux États-Unis, en passant par la SlutWalk et la mobilisation des femmes polonaises pour l'avortement, les femmes n'ont jamais renoncé à descendre dans la rue pour défendre leurs droits. Retour sur dix fois où leur mobilisation a payé.
10 fois où les marches de femmes ont changé l'Histoire 10 fois où les marches de femmes ont changé l'Histoire© Getty Images
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La marche des Parisiennes vers Versailles (5 octobre 1789)
La marche des Parisiennes vers Versailles © Getty Images

Trois mois après la prise de la Bastille, des milliers de femmes ont marché vers Versailles pour réclamer de quoi manger. L'objet de leur colère n'est pas tant Louis XVI que la reine Marie-Antoinette, à qui on a longtemps (et à tort) attribué la phrase "qu'ils mangent de la brioche" lorsqu'on lui aurait dit que le pain manquait pour nourrir les Parisiens. Menées par le révolutionnaire Jean-Joseph Mounier, 7 000 à 8 000 femmes ont pris la route du château du roi. Rejointes par des milliers d'hommes, elles s'installent sur la place d'Armes, devant le château avant d'attaquer les gardes royaux et de saccager les appartements de la reine.


Quelles conséquences ?
À la suite de cet événement, le roi promet une distribution de blé et de pain pour enrayer la disette et accepte de signer les décrets sur l'abolition des privilèges et sur la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Il accepte aussi de quitter Versailles avec sa famille pour s'installer au Palais des Tuileries. Le pouvoir est désormais sous la surveillance des Parisiens.

La marche des suffragettes vers Washington (3 mars 1913)
La marche des suffragettes le 3 mars 1913 © Getty Images

Lorsque les femmes décident d'organiser une grande marche à Washington, ce n'est pas la première fois qu'elles se mobilisent pour réclamer le droit de vote. Mais l'ampleur du mouvement, associée au contexte politique (elle est organisée la veille de l'investiture du président Woodrow Wilson), a achevée de la faire entrer dans l'histoire. Mené par la suffragette Inez Milholland – vêtue de blanc et montée sur un cheval – un cortège de quelques 8 000 femmes a défilé le long de Pennsylvania Avenue pour obtenir le droit de voter aux élections.
Quelles conséquences ? Après avoir dans un premier temps défilé pacifiquement, les manifestantes se sont heurtées à une foule hostile d'hommes. Résultat : de nombreuses suffragettes ont été hospitalisées, mais leur mobilisation a fini par payer. Les femmes ont enfin obtenu le droit de vote en 1920. Cette grande marche féminine a largement inspiré les organisatrices de la Women's March. En 2020, le centenaire de cette journée sera célébré par la mise en circulation d'un billet de 10 dollars rendant hommage au combat des suffragettes.

La marche des Sud-Africaines sur Pretoria (9 août 1956)
La marche des femmes en Afrique du Sud © DR

Ce jour-là, 20 000 femmes sud-africaines ont marché vers la capitale du pays Pretoria pour protester contre le régime de l'apartheid, et en particulier contre la loi imposant aux femmes noires la possession d'un "pass" qui limitait leurs déplacements dans les villes. Rassemblées devant l'Union Buildings, elles sont restées silencieuses pendant 30 minutes avant d'entonner la chanson ""Wathint' abafazi, Strijdom!" wathint' abafazi,"wathint' imbokodo, uza kufa! " ("Quand vous frappez les femmes, vous frappez un rocher, " vous serez écrasés, vous allez mourir!"). Elles ont aussi remis une pétition au Premier ministre sud-africain.

Quelles conséquences ? Si l'apartheid n'a été aboli que des dizaines d'années plus tard, en 1991, la marche des femmes vers Pretoria a mis en lumière les discriminations, le racisme et le harcèlement dont étaient alors victimes les femmes sud-africaines non-blanches. Le 9 août 1956 est d'ailleurs devenu la date de la Journée de la femme sud-africaine. Lors de ce jour férié, est chaque année organisé un grand rassemblement rendant hommage aux manifestantes et à leur combat.

La manifestation des Françaises pour le droit à l'avortement (5 mai 1973)
Manifestation le 6 octobre 1979 pour la reconduction de la loi Veil © Getty Images

Le 5 avril 1971, Le Nouvel Observateur publie le manifeste des 343, dans lequel des personnalités de l'époque (Marguerite Duras, Françoise Sagan, Gisèle Halimi, Antoinette Fouque, Monique Wittig, Catherine Deneuve, Agnès Varda...) déclarent avoir avorté. Leur confession fait l'effet d'une bombe et déclenche un vaste débat sur l'interruption volontaire de grossesse. Mené à l'Assemblée avec courage et détermination par Simon Veil, alors ministre de la Santé, le combat pour l'avortement est surtout celui du droit des femmes à disposer librement de leur corps. Avant son discours historique devant des parlementaires (presque tous masculins) le 26 novembre 1974, Simone Veil a reçu le soutien de femmes décidées à faire du droit à l'IVG le combat de leur vie. Le 5 mai 1973, elles sont des milliers à défiler dans les rues de la capitale pour réclamer le droit à l'avortement.
Quelles conséquences ? Au terme de débats houleux dans l'hémicycle, l'avortement est finalement dépénalisé le 17 janvier 1975. Pourtant, encore aujourd'hui, le combat reste loin d'être gagné pour les femmes souhaitant accéder sereinement à l'IVG. Le récent débat – heureusement remporté – sur le délit d'entrave numérique le prouve, tout comme le discours anti-choix porté par certains candidats à l'élection présidentielle.

La grève des femmes islandaises (24 octobre 1975)
La grève des femmes en Islande © Women's History Archives

Si l'Islande est aujourd'hui en passe de devenir le premier pays à atteindre l'égalité parfaite entre femmes et hommes, c'est grâce au retentissement qu'a eu la grève organisée par les Islandaises le 24 octobre 1975. Ce jour-là, 25 000 femmes se sont rassemblées dans les rues de Reykjavik (sur une population islandaise de 220 000 habitants, ça compte) pour réclamer l'égalité salariale. 90% de la population féminine a refusé de travailler, de cuisiner, de nettoyer et de s'occuper des enfants pour montrer à quel point elles étaient nécessaires à l'équilibre du pays.
Quelles conséquences ? Ce "Women's day off" a marqué l'histoire de l'Islande. Si les inégalités n'ont pas complètement disparu, elles ont grandement diminué dans le pays. Pour preuve, cinq ans plus tard, les Islandais ont élu Vigdís Finnbogadóttir comme cheffe de l'État. Cette mère célibataire est devenue la première femme au monde à être élue présidente au suffrage universel. Les Islandais continuent aussi à se mobiliser pour l'égalité salariale. Le 24 octobre dernier, les Islandaises ont ainsi quitté leur travail à 14h38 pour marquer l'écart de rémunération avec leurs confrères.

Les Grands-mères de la Place de mai en Argentine (30 avril 1977)
Les Grands-mères de la Place de mai © Getty Images

De 1976 à 1983, l'Argentine a connu la dictature militaire, au cours de laquelle ont été opérés des centaines de vols de bébés d'opposants politiques. Depuis le 30 avril 1977, les grands-mères de ces enfants disparus se rassemblent tous les jeudis après-midi sur la place de Mai au centre de Buenos Aires, un foulard blanc sur la tête pour symboliser les langes des bébés kidnappés. Rassemblées en association, les Abuelas ont mené une recherche acharnée pour retrouver toute une génération de petits-enfants volés.

Quelles conséquences ? Encore aujourd'hui, les Grands-mères de la Place de mai (dont la plus jeune est octogénaire) continuent de se réunir chaque jeudi pour dénoncer les kidnappings menés par les militaires pendant la dictature. Grâce à leur travail acharné, 119 enfants kidnappés ou nés en détention durant la période militaire et clandestinement adoptés par les familles des militaires ont été identifiés. Elles ont aussi permis l'adoption en 2009 de la loi 26.549, qui autorise les juges argentins à obtenir l'ADN des enfants enlevés autrement que par des prises de sang afin de faciliter les recherches.

La Million Mom March de Washington (14 mai 2000)
La Million Mom March en mai 2000 © Getty Images

Le 14 mai 2000, jour de la fête des mères, des milliers d'Américaines sont descendues dans les rues de Washington et d'une cinquantaine d'autres villes pour réclamer un contrôle plus strict des armes à feu. Soutenue par des personnalités politiques (dont Hillary Clinton) et médiatiques, la Million Mom March est restée dans l'histoire pour sa mise en place d'un "mut de la mort", sur lequel était affiché plus de 4 000 noms de victimes d'armes à feu dans le pays.
Quelles conséquences ? Les "mères" ont eu beau se rassembler à nouveau les années suivant la Million Mom March, leur pouvoir d'action n'est que faible puisque le droit de posséder et de porter une arme à feu est un droit constitutionnel, protégé par le deuxième amendement de la Constitution américaine. En 2009, environ 300 millions d'armes à feu étaient détenues par des particuliers américains. En 2015, 372 fusillades de masse ont été recensées aux États-Unis. Les armes à feu ont causé 33 636 décès.

La SlutWalk de Toronto (3 avril 2011)
La SlutWalk de Chicago en 2013 © Getty Images

La première SlutWalk ("marche des salopes") a eu lieu à Toronto, Canada, le 3 avril 2011 avant de devenir un mouvement international, organisé dans la plupart des grandes métropoles. Organisée après qu'un policier a suggéré que les filles devraient ne "pas s'habiller comme des salopes" pour éviter de se faire violer, les manifestantes entendent s'élever contre la culture du viol qui blâme les victimes (victime blaming et slut shaming) plutôt que de conspuer les auteurs de ces violences sexuelles. Elle a réuni plus de 3 000 participantes.
Quelles conséquences ? Si aux États-Unis, la SlutWalk a été accusée d'exclure de ses revendications les femmes de couleur, elle a le mérite de prouver à quel point la culture du viol est profondément ancrée dans notre société. Signe que les mentalités sont (heureusement) en train de changer, ces marches essaiment depuis dans le monde entier pour dénoncer les violences que subissent quotidiennement les femmes dans l'espace public.

Le Black Monday en Pologne (3 octobre 2016)
La "Black Monday" en Pologne © Getty Images

Lundi 3 octobre 2016, des milliers de femmes polonaises sont descendues dans les rues vêtues de noir pour faire entendre leur voix et défendre le droit de disposer librement de leur corps. Alors que le gouvernement ultraconservateur de Beata Szydlo prévoyait d'interdire totalement l'interruption volontaire de grossesse et de la rendre passible d'une peine de cinq ans de prison, elles sont venues par milliers, sous la pluie, manifester dans le centre-ville de Varsovie.
Quelles conséquences ? Deux jours après les grandes manifestations qui ont immobilisé tout le pays, le parlement polonais a rejeté la proposition de loi visant à interdire totalement l'avortement. La Pologne reste toutefois l'un des pays à la législation la plus stricte en matière d'interruption volontaire de grossesse. Dans ce pays où l'Église reste très influente, les femmes ne peuvent y avoir recours que dans trois conditions : quand il existe un risque pour la vie ou la santé de la mère, en cas de graves malformations ou pathologies du foetus ou quand la grossesse résulte d'un viol ou d'un inceste.

La marche des femmes en Inde (21 janvier 2017)
La marche des femmes en Inde contre les violences sexuelles © Getty Images

De New Dehli à Bombay, des centaines de femmes de toutes conditions sociales et de tous âges se sont rassemblées samedi 21 janvier dans une trentaine de villes pour "occuper les rues la nuit" et exiger que les femmes puissent se promener sans risquer de se faire violer. Leurs revendications, qui s'inspirent du mouvement américain "Take Back the Night" surviennent après que de nombreuses femmes ont été agressées sexuellement à Bangalore lors du réveillon du Nouvel An.

Quelles conséquences ? En 2012, le viol collectif de la passagère d'un bus à New Delhi a favorisé l'émergence d'un vaste mouvement contre les violences sexuelles. Véritable fléau national, le viol est aujourd'hui dénoncé par de nombreuses associations de droits des femmes. Selon le National Crime Records Bureau du ministère de l'Intérieur indien, un viol serait signalé toutes les 20 minutes aux autorités, mais seuls 26,4% d'entre eux aboutiraient à une peine contre les accusés.

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