Edouard Louis se met à nu dans un documentaire ultrasensible et poignant
Edouard Louis se met à nu dans un documentaire ultrasensible et poignant
Edouard Louis se met à nu dans un documentaire ultrasensible et poignant
Honte, intime et politique, mère, père, homosexualité, violence de classe... L'auteur prodige de "En finir avec Eddy Bellegueule" dénude tout dans le captivant "Edouard Louis ou la transformation". Un docu où la parole se met à vif.
Edouard Louis ou la transformation est une remarquable mise en bouche pour qui ne serait pas au fait du "personnage" Edouard Louis, rendu célèbre suite au succès de son premier roman, En finir avec Eddy Bellegueule, à 22 ans seulement.
Devant la caméra, l'auteur se dévoile, la parole sensible, fragile mais d'une redoutable précision. On redécouvre Edouard Louis, drôle, pertinent, percutant, mais également vulnérable, maladroit, d'une touchante pudeur.
Au cours du film, les moments d'improvisation drôlatiques (une petite danse en plein Amiens, une présentation calquée sur "Le chanteur" de Daniel Balavoine), côtoient les lectures de ses autofictions (face à un micro en mode livre audio) quand celles-ci ne sont pas carrément interprétées par des acteurs, sur les planches. Et les énoncés au phrasé très méticuleux de l'écrivain cohabitent avec des silences fragiles qui en disent tout aussi long.
Mais émane surtout de ce portrait tout en sobriété façon "Edouard Louis par Edouard Louis" la violence sourde, intime et politique, qui contamine ses romans : un état des lieux de l'homophobie ordinaire.
"J'ai été créé par l'insulte : pédé, tarlouze, fiotte. J'ai dû cacher ce que j'étais car les autres me créaient par l'injure", constate l'artiste. Une grave mélancolie recouvre dès lors cette langue tranchante.
Et cette observation s'avère toujours autant d'actualité hélas à l'heure où, déplore l'association SOS Homophobie dans son dernier rapport, le nombre d'agressions physiques envers les personnes LGBTQ en France aurait augmenté... de 28 %.
"J'avais échoué à être ce que mon père voulait que je sois. Il fallait bien que je fasse quelque chose de moi-même", raconte l'auteur. "Si je voulais devenir quelque chose il fallait faire semblant d'être quelqu'un pour le devenir. Cette force de la réinvention est née de la honte accumulée qui fournit une forme d'énergie à l'intérieur de soi, qui pousse à se réinventer"
Une honte d'où Edouard Louis est finalement ressorti avec des images identiques à celles que propose ce film : douces amères, lumineuses et aveuglantes, pleines d'une nostalgie douloureuse. Par-delà la prose et la littérature, un grand instant de cinéma intimiste.