En tout, ce sont 6 500 étudiant·e·s menstrué·e·s qui ont été interrogé·e·s lors d'une vaste enquête réalisée par la Fédération des associations générales étudiantes (Fage), l'Association nationale des étudiants sages-Femmes (ANESF) et l'Association fédérative des étudiant·e·s picto-charentais·e·s (Afep), et publiée ce lundi. Une majorité de femmes et une minorité de personnes non-binaires et d'hommes transgenres.
Le but : mettre en lumière et saisir l'ampleur colossale de la précarité menstruelle étudiante. Les résultats, édifiants, parlent d'eux-mêmes. 13 % des sondé·e·s déclarent ainsi avoir déjà dû choisir entre acheter des protections hygiéniques et un autre produit de première nécessité, et 33 % confient avoir besoin d'une aide pour s'en procurer.
46 % du panel estiment par ailleurs dépenser en moyenne 5 à 10 euros chaque mois dans ce but. D'autres, pour lesquel·le·s le budget grimpe à cause d'un besoin d'antidouleurs, de sous-vêtements et de linges de lit, témoignent d'un total pouvant monter jusqu'à plus de 20 euros par mois. Une somme non négligeable pour une jeunesse que la crise sanitaire frappe de plein fouet, et qui pousse celles et ceux ne pouvant pas la débourser à trouver d'autres solutions. Un système D passant notamment par l'alternative papier toilette en guise de serviettes et la fabrication maison de protections.
"Savoir qu'une étudiante sur 10 fabrique elle-même ses protections périodiques faute d'avoir assez argent pour en acheter, qu'une sur vingt utilise du papier toilette, ça a été un réel choc", commente auprès de Libération le vice-président en charge de la lutte contre les discriminations à la Fage, Anna Prado De Oliveira.
En France, 1,7 millions de femmes souffrent de ce fléau selon l'Ifop, et 2 millions depuis la crise sanitaire d'après l'association Règles élémentaires. Des chiffres terribles aux conséquences désastreuses, puisque le manque de produits adaptés peut mener à de sérieuses infections et problèmes sanitaires, mais aussi affecter vies sociale, professionnelle et confiance en soi. Certain·e·s des sondé·e·s admettent d'ailleurs avoir dû faire certains choix sous le poids de la stigmatisation.
"Aujourd'hui encore, un·e étudiant·e menstrué·e sur dix déclare avoir déjà manqué le travail ou les cours par peur des fuites et que leurs règles soient vues", poursuit le responsable, qui épingle le manque d'investissements sur "la sensibilisation et la prévention autour des menstruations comme des maladies gynécologiques associées". "Il est nécessaire de la développer pour mettre fin à ce tabou", martèle Anna Prado De Oliveira dans les colonnes du quotidien.
En France, le président Emmanuel Macron abordait le sujet le 4 décembre dernier, dans une interview pour Brut. Assurant prendre conscience du caractère urgent de la situation, il entendait l'adresser rapidement. Dans la foulée, la Fondation des Femmes, le collectif Georgette Sand et l'association Règles Élémentaires le prenaient au mot, exigeant des actions concrètes pour s'aligner au plus vite sur ses paroles.
Le gouvernement promettait, quelques jours plus tard, de dédier un budget de 5 millions à la lutte contre la précarité menstruelle, soit cinq fois plus que celui mis en place lors des expérimentations de 2020. "Nous voulons faire de l'accès de toutes les femmes à des protections périodiques un champ de la solidarité nationale", déclarait le ministre de la Santé et des Solidarités Olivier Véran.
Seulement dans les faits, le travail se fait davantage localement qu'à échelle nationale. Contrairement à l'Ecosse qui a voté l'accès gratuit et universel aux protections périodiques en novembre dernier, l'Etat français délègue aux personnes de terrain. Les universités, les collectifs féministes, parfois les étudiant·e·s, énumère Libé, qui oeuvrent avec les moyens du bord pour fournir le plus de produits possible au plus grand nombre.
Avancée de taille cependant : jeudi 4 février, la région Île-de-France a annoncé installer prochainement des distributeurs gratuits de serviettes et tampons bio dans les universités et résidences étudiantes. Un progrès, sans aucun doute, face auquel Anna Prado De Oliveira reste prudent : "C'est une très bonne nouvelle. Mais on est attentif au fait que ces distributeurs soient visibles et accessibles à toutes et tous dans des endroits stratégiques".
Le rapport de la Fage, de l'ANESP et de l'Afep propose alors une solution concrète : mettre en place une aide financière dédiée aux personnes menstruées, calculée sur leurs frais réels afin de permettre à chacun·e de s'équiper selon sa convenance et ses besoins. A bon entendeur...