L'imminente adaptation en live-action de La Petite Sirène produite par Disney est prometteuse - ne serait-ce que visuellement. Hélas, elle a engendré bien des réactions rageuses sur les réseaux sociaux. La raison ? Certains haters jugent absurde que l'héroïne marine de Christian Hans Andersen... soit noire, interprétée par la jeune Halle Bailey.
Pourtant, cette transposition rejoint la file de bien des relectures des contes, déferlant sur nos écrans depuis des années. Révisions audacieuses, modernes, détournant les codes, réécrivant l'histoire, infusant même un brin de féminisme dans l'équation. La preuve en six petites perles à rattraper illico.
Peut-être la version la plus trash des contes de fées ? Dans ce Petit Chaperon Rouge réécrivant Charles Perrault à l'ère des films d'horreur Saw, une ado (Elliot Page) rencontre un trentenaire, avec qui elle discute depuis plusieurs mois sur Internet. Face à face qui, au bout de plusieurs séquences d'un indéniable malaise, va aboutir à...la torture de ce dernier. Grand Méchant Loup finalement tombé dans le piège de ce Chaperon vengeur.
Une inversion des rapports de pouvoir tout aussi éclatante que la violence graphique et psychologique que David Slade va progressivement laisser advenir – offrant par-là même à Elliot Page, aux prémices de sa carrière, l'un de ses plus grands rôles. Entre les lignes, Hard Candy se réapproprie la dimension perverse des contes pour en délivrer une revisite sanglante et profondément dérangeante.
Deux salles, deux ambiances, comme l'énonce l'expression. Shrek s'est plu quatre films durant à revisiter les classiques du conte de fées à grands coups de princes charmeurs, de figures machiavéliques, d'ogres grossiers, de forêts dans lesquelles l'on s'égare et de miroirs qui parlent. Par-delà cet imaginaire qui résonne immédiatement, il n'est jamais rare qu'une petite réf à La belle et la bête ou La petite sirène survienne discrètement.
Mais la grande modernité de Shrek, ce n'est pas tant son ton rigolard, parodique, mais son personnage de princesse qui détonne : princesse Fiona, dont les aptitudes physiques n'ont rien à envier à la Trinity de Matrix ou aux héroïnes de Charlie et ses drôles de dames. Femme badass et ivre de liberté cachant un lourd secret, Fiona bastonne les goujats, rote et se débrouille comme elle peut dans un monde patriarcal. La source d'inspiration de bien des générations.
Inspirée d'un ouvrage de la grande Angela Carter, La compagnie des loups puise dans le bestiaire des contes de fées à des fins déroutantes, féministes et subversives. Le réalisateur d'Entretien avec un vampire pioche dans ses classiques (Le Petit Chaperon rouge, Le Chat botté, les histoires des frères Grimm, La Belle et la Bête) pour rappeler l'essence macabre de ces histoires connues de tous, mais volontiers édulcorées au fil de leurs adaptations en dessins animés tout public.
Ce récit d'une adolescente plongée dans un univers de contes (forêts menaçantes, grands méchants loups, royaume) fait la part belle à l'angoisse et à l'onirisme, pour notamment évoquer la sexualité féminine, sa peur, ce qu'elle implique en terme de représentations, de culpabilité. Sexualité que bien des psychanalystes ont étudié à travers leur approche des contes de fées, jamais avares en symboles et en discours moraux.
Il n'y a pas que les dessins animés Dreamworks tendance Shrek qui se sont amusés à détourner les codes des contes de fées avec lesquels nous avons grandit, et plus encore de leurs adaptations Disney. Pour cela, il faut compter sur... Disney, qui avec ce Il était une fois (Enchanted en VO) projetait Giselle, une princesse en chair et en os, dans un Manhattan bien loin du royaume de Blanche-Neige.
Dans le rôle-titre, Amy Adams s'en donne à coeur joie, privilégiant une candeur amusante. Cette romance joue d'une véritable complicité avec le public, familier des stéréotypes et clichés employés à des fins parodiques, mais sans pour autant sombrer dans le cynisme. De quoi contenter petits et grands. Alors que bien des productions ont depuis marché sur les pas de la relecture moderne et ironique (La princesse et la grenouille, Raiponce), une suite devrait (enfin) sortir en 2022. Et on a hâte.
Cinéaste féministe, transgressive, sans concessions, Catherine Breillat a marqué le cinéma français des années 80 et 90 avec ses oeuvres impolies, crues, ravageuses. On pourrait notamment citer A ma soeur ! (disponible sur la plateforme d'Arte), et sa séquence finale traumatisante, Romance, introspection d'une jeune femme sur la sexualité et le désir, ou encore Sex is comedy. Curieux de voir la réalisatrice – dont un nouveau long est en préparation – revisiter l'une des plus emblématiques des histoires, celle de Barbe Bleue...
Curieux ? Pas tellement finalement. Rapports de pouvoir entre féminité et masculinité, inconscient et symbolique, jeunes filles, traumatismes, hantises, violence masculine... Barbe Bleue dans ce qu'il engendre comme réflexions rejoint d'une certaine manière le cinéma de cette réalisatrice tout sauf grand public.
Revisiter un conte de fées en conférant le première rôle à d'autres personnages, une bonne idée pour moderniser ces histoires maintes fois réécrites ? Cela se pourrait bien. Dans ce film de 2020 inspiré par l'oeuvre de James Matthew Barrie, ce n'est ainsi pas Peter Pan, mais bel et bien Wendy qui se retrouve au premier plan. Fillette délaissée, au présent peu idyllique, rêvant d'un monde meilleur ou plutôt, d'un Pays imaginaire...
Salué par la critique pour sa féerie, mais aussi sa liberté et son intelligence, ce Wendy fait également le pari d'actualiser le discours des contes d'hier en abordant les enjeux écologistes d'aujourd'hui. Quoi de plus pertinent puisqu'il s'agit avant tout de s'adresser aux nouvelles générations – et à leurs parents ? Une curiosité.