La France est confinée, rien de nouveau sous le soleil (grandiose au demeurant) de ce mois de mars. Et ce qu'on peut dire avec certitude aujourd'hui, c'est que l'enfermement ne se vit pas sur un pied d'égalité. Le nombre de mètres carrés chez soi n'a jamais autant défini notre confort, tout comme le bout de jardin que certain·e·s ont la chance de posséder (en ville, les balcons feront l'affaire). Seul·e, en couple, en famille avec quatre enfants de moins de 10 ans, au travail ou à la maison : les profils varient et les ressentis aussi.
Le terrain sur lequel on arrive à s'accorder en revanche, c'est le vide que crée l'absence de contacts avec l'extérieur - et ses conséquences sur notre bien-être. Avec nos ami·e·s, notre famille, nos voisin·e·s. Ceux qui nous restent sont le peu de personnes qu'on croise dans la rue en allant faire ses courses de temps en temps. On se dit à peine bonjour, on frôle les immeubles pour tenter de former la fameuse distance de sécurité d'un mètre sur des trottoirs de 80 cm. Les échanges sont limités, le mental en pâtit. Alors il faut improviser.
L'idée revient aux Italien·ne·s. Premiers à subir l'épidémie de Covid-19 en Europe, ils ont mis au point une parade pour créer un lien essentiel malgré les restrictions de déplacement nécessaires. Les vidéos abondent sur Internet : ils se mettent à leur fenêtre pour pousser la chansonnette. Hymne national ou local, tubes qui parlent au plus grand nombre, les plus doué·e·s sortent la guitare pour souffler sur leur quartier un vent de liberté. Distraire les esprits et rapprocher les âmes. Un interlude musical thérapeutique.
"Quand nous chantons, nous nous engageons pleinement dans le moment présent", explique la Dre Elena Touroni, psychologue, à Stylist. "Cela peut nous aider à nous distraire d'autres émotions plus négatives, et donc influencer positivement notre humeur".
D'un point de vue chimique aussi, le chant opère sa magie : "L'activité encourage la libération d'endorphines et de dopamine dans le cerveau", explique à son tour Charlotte Armitage, psychologue des médias et des affaires. "Ce sont deux neurotransmetteurs qui sont responsables de nous aider à éprouver du plaisir et de la joie. Des études ont également montré que les quantités de cortisol dans la salive diminuent après que nous ayons participé à un chant - le cortisol est une hormone du stress, et donc moins de cortisol entraîne une diminution des sentiments de stress et d'anxiété". Faire vibrer ses cordes vocales pour aller mieux, mais aussi être ensemble.
Au Royaume-Uni, lui aussi confiné depuis quelques jours, on a suivi la tendance. Il existe désormais une application qui permet de réinterpréter un morceau à plusieurs : Lifefulness Live. Le but est même de battre le record de la plus grande chorale à distance, qui est de 293 978 participant·e·s. Chaque jour à un horaire bien précis (18 heures en France), on rejoint nos voisin·e·s plus ou moins proches pour donner de notre voix. "Chantons tous ensemble à la même heure chaque jour, jusqu'à ce que nous ayons surmonté cette épreuve !", propose Sanderson Jones, fondateur du projet. "Il s'agit d'essayer de créer un moment de joie dans les journées des gens, un moment de convivialité", précise-t-il au média britannique.
Pour Charlotte Armitage, l'initiative est forcément positive : "Chanter en groupe [par rapport à chanter seul] a des effets encore plus bénéfiques ; cela réduit le sentiment d'isolement que les gens peuvent éprouver actuellement". En France, si le seul rendez-vous qu'on remarque au balcon est le soutien aux soignant.e.s tous les soirs à 20 heures, on recense toutefois des parodies de chansons célèbres. On va s'aimer de Gilbert Montagné, Je n'ai pas changé de Julio Iglesias, notre préférence va à Confinement, adapté du titre Comportement d'Aya Nakamura.
Une pépite qu'on n'hésite pas à doubler à tue-tête, sous la douche ou à la fenêtre, pour se mettre du baume au coeur jusqu'au retour des jours heureux.