Le déconfinement entamé ce 11 mai vous angoisse-t-il autant ou davantage encore que le confinement ? Si oui, vous n'êtes pas seul·e : nombreuses sont les voix à l'avouer sur les réseaux sociaux. "Quand le déconfinement angoisse plus que le confinement... Je suis dans cette situation. Je n'étais pas seule mais le peu de contacts ne m'a pas vraiment dérangée", écrit en ce sens une internaute. Il faut dire que cet "après", qui ne signe en rien la fin de la pandémie, est forcément synonyme d'incertitudes. Et donc d'anxiété.
Oui, malgré ce nouveau départ, la confiance ne règne pas en France. Et pour beaucoup, le confinement risque bien de durer encore quelques semaines. "Loin d'être si soulagées que cela, bien des personnes ont peur et préfèrent ne pas envisager de sortir de chez elles de sitôt", observe à ce titre la psychothérapeute Hélène Romano. D'aucuns font même état d'une véritable panique, "cette peur de la peur qui n'est pas rationnelle", développe la spécialiste. Mais comment faire face à cette "déconfinophobie", comme la psy la nomme ?
26,7 %. Ce chiffre correspond au taux d'anxiété constaté au sein de la population française l'espace d'une inquiétante) étude de l'Agence nationale de santé publique. Loin d'être anecdotique, ce pourcentage dévoile une augmentation des angoisses des Français·e·s. "On a pu observer, à l'issue de la première semaine de confinement, un taux d'anxiété qui était deux fois supérieur à celui qu'on observe généralement, et qui concernait un peu plus d'un quart des Français", décrypte Enguerrand Rolland du Roscoat, le responsable de l'unité Santé mentale à la Direction de la prévention et de la promotion de la santé. Un cri d'alerte.
Effectivement, le taux d'anxiété relevé il y a trois ans de cela était de 13,5 % "seulement". Et le déconfinement est loin d'inspirer davantage de sérénité. Après deux mois de repli dans un cocon protecteur, il va falloir retrouver des habitudes perdues, toutes sortes d'injonctions sociales et de contraintes, avec en sus la présence du coronavirus... Une enquête de Slate fait état de ce "mood" global en relevant les mots de l'autrice Sophie Gourion : on peut redouter "un 'confinement-blues' après le 11 mai".
"Ce qui est très particulier, c'est qu'on n'est pas devant un stress aigu, un évènement unique. On est devant une exposition permanente à du stress et c'est très particulier à soigner, à soutenir. Ce n'est pas réellement un psycho-traumatisme aigu devant une énorme catastrophe, c'est quelque chose de continu, dont ont ne connaît pas la suite, dont on ne connaît pas les tenants et les aboutissants, c'est quelque chose de l'ordre du stress chronique. Pour certains, ça va être le déclencheur d'un véritable stress aigu avec possiblement des séquelles psychotraumatique", explique Barbara Combes, psychiatre et référente de la cellule urgence médico-psychologique régionale (CUMP) à France 3.
Dès lors, comment apaiser ses angoisses ? Hélène Romano a quelques éléments de réponse. Tout d'abord, accepter sa peur de l'autre, mais sans l'exacerber. "Les personnes croisées dans la rue avec un masque qui nous rappelle la présence du virus peuvent devenir des cibles de nos angoisses", déplore la psychothérapeute. Or, l'acceptation de nos émotions négatives ne doit pas être synonyme d'attitudes agressives. A cela, il faut encore privilégier la rationalisation. "Il faut comprendre d'où vient cette peur de l'autre permet d'y mettre du sens et de se raisonner un minimum pour pouvoir s'autoriser à sortir de chez soi et reprendre peu à peu une vie sociale. Il y a eu la période avant le confinement, celle qui va suivre sera inévitablement différente, mais cela ne signifie pas qu'elle n'en sera pas possible, ni sereine, ni belle", explique la spécialiste à LCI.
Le déconfinement a bien lieu et ne doit pas être minimisé. La vie ne sera plus comme avant, mais ce n'est pas pour cela qu'elle doit s'arrêter. C'est ce que rappelle la psy Hélène Romano : "L'être humain a besoin de continuité, de cadre, de savoir qu'il peut faire quelque chose et qu'il n'est pas impuissant face à ce qui lui arrive".
Lutter contre ses doutes et cette impression d'impuissance ne se fait évidemment pas du jour au lendemain. D'autant plus que cet état d'esprit concilie en un tout incertitudes, anxiété et colère. Mais cela ne veut pas dire que la "vie d'après" ne sera pas pour tant "possible, ni sereine, ni belle", s'enthousiasme la psychothérapeute.
"A nous de construire positivement [cette vie] en comprenant que l'autre n'est que le support de nos propres angoisses et non le responsable de celles-ci", poursuit l'experte. On le comprend, si l'autre peut être un support de notre mal-être en période de pandémie mondiale, il en est également la solution. Le déconfinement devrait, d'une façon ou d'une autre, le démontrer. Et mettre en avant une nouvelle forme de sociabilité ?
A Terrafemina, Hélène Romano détaille ce rapport neuf à l'autre : déconfiné·e·s, nous n'avons plus le même regard sur celle ou celui qui tousse, ceux et celles qui arpentent les transports en commun, font leurs courses. "Lors du déconfinement, on va probablement avoir des gens qui ne vont pas du tout être motivés pour repartir travailler et qui vont même développer des peurs physiques : peur de l'autre, peur de l'environnement", explique-t-elle. A l'avenir, développe-t-elle, "on sera probablement plus prudents, nous allons probablement révolutionner notre mode relationnel, ce sera un autre mode de communication et il faudra trouver de nouveaux repères".
Autant de changements que l'on a déjà pu constater. Et qui font se faire plus voyants encore à la longue. Et la spécialiste de conclure : "Quand on retrouvera le rythme d'une vie sociale plus classique, ce ne sera pas simple. Est-ce que cela reviendra 'comme avant' ? Pas certain... Il va falloir l'intégrer. Ce sera autrement. Si on compare à 'avant', on va dans le mur. Mais il y aura autre chose, qui peut être 'positif', car on aura beaucoup appris sur soi, sur les autres". Une introspection qui pourrait faire l'effet d'un pas de côté face aux angoisses.