Elles ont donné de la voix, livré leurs mots, ouvert la voie. Lors de cette année 2021 encore chamboulée, ces femmes nous ont offert des moments d'émotion, d'espoir, de force collective. Des instants grappillés pour construire ou se reconstruire. Et avancer.
"Je m'appelle Simone Biles et je suis une survivante de violences sexuelles". Emue, la gorge serrée, la gymnaste américaine Simone Biles s'est présentée le 15 septembre face à la commission du Sénat américain pour faire entendre sa voix, mais aussi celles des autres victimes.
Un témoignage puissant pour démonter l'institution complice et les dysfonctionnements de l'enquête du FBI qui auront permis à l'ancien médecin de l'équipe féminine américaine de gymnastique Larry Nassar, 58 ans, d'agresser durant deux décennies plus de 250 jeunes athlètes, souvent mineures. Si le bourreau croupit aujourd'hui en prison, les mots de Simone Biles résonnent fort. "Je rends responsable Larry Nassar et je rends responsable un système entier qui a permis et perpétré ces abus."
Un Oscar, une Palme, un Lion... En cette année 2021, les réalisatrices ont brandi des trophées dorés, enfin récompensées pour des films forts, atypiques, engagés. Chloé Zhao est ainsi devenue la deuxième femme à remporter l'Oscar de la meilleure réalisatrice (en 93 ans d'existence) pour son superbe Nomadland, Julia Ducournau a régné sur la Croisette, succédant à Jane Campion, seule réalisatrice à avoir été distinguée d'une Palme d'or (qu'elle avait dû partager ex-aequo avec... un homme) pour son abrasif Titane et Audrey Diwan a chamboulé la Mostra de Venise avec son adaptation magistrale du roman d'Annie Ernaux, L'événement.
Des prix réjouissants qui n'éludent pas la triste réalité des chiffres : seuls 25 % des films réalisés en 2020 en France l'ont été par des femmes selon le CNC. Mais ouvrent de nouvelles perspectives. Comme l'a malicieusement souligné Audrey Diwan lors de la remise de sa récompense : "Plus on laisse de femmes faire des films, plus il y a de chances qu'elles reçoivent des prix". CQFD.
Les Mexicaines attendaient ce moment depuis si longtemps. Le 8 septembre 2021, la Cour suprême du Mexique a jugé inconstitutionnelle la criminalisation de l'avortement. Une avancée historique pour les droits des femmes dans ce pays très catholique. Et un pas de plus pour le droit à l'avortement (après sa légalisation en Argentine en 2020) dans une Amérique latine toujours très à la traîne.
Le moment était historique : une femme devenait vice-présidente pour la première fois de l'Histoire des Etats-Unis. Habituée à faire de ses tenues des symboles, Kamala Harris est apparue lors de son discours d'investiture le 20 janvier à Washington vêtue d'une robe et d'un manteau d'un violet éclatant, imaginés par le styliste afro-américain Christopher John Rogers. Une couleur qui ne devait rien au hasard puisque depuis la fin du 19e siècle et le mouvement historique des Suffragettes, le violet est devenu un emblème des droits des femmes. Un clin d'oeil sororal également à Shirley Chisholm, première femme noire élue au Congrès des États-Unis et ancienne candidate à la présidence en 1972, qui avait pour habitude de porter cette teinte iconique.
Flamboyant dans ses habits pourpres, Kamala Harris, 57 ans, l'a promis aux futures générations : "Je suis peut-être la première femme à occuper ce poste, mais je ne serai pas la dernière."
Elles ont brisé l'omerta. PPDA et Nicolas Hulot sont deux des figures médiatiques les plus puissantes de ces 20 dernières années. Et ces femmes ont osé parler, dire les agressions sexuelles, les viols, le harcèlement, le silence qui a scellé l'inacceptable. En témoignant, parfois à visage découvert, les victimes ont déboulonné la chape de plomb. Grâce à cette parole précieuse et leur courage, deux enquêtes ont été ouvertes.
Elle s'est dépouillée de sa peau d'âne et a offert sa nudité crue aux yeux du public de la Cérémonie des César. Au-delà de son message de soutien aux intermittent·e·s, le happening subversif de Corinne Masiero aura servi de révélateur aux fléaux qui gangrènent l'industrie (et par extension la société).
Attaquée sur ce corps politique, la comédienne a adressé un réjouissant pied de nez (pour ne pas dire un gros "fuck") aux sexistes, aux partisans du jeunisme, aux réacs sclérosés qui font tant de mal aux femmes. Un message (dé)culotté qui entrait en résonnance avec la sortie rageuse d'Adèle Haenel lors de la précédente édition des César. Ca bouge (enfin) ?
Elle est enfin sortie de son silence et il faut croire qu'elle était attendue. Six ans après l'incroyable succès de son album 25 (album le plus vendu dans le monde en 2015, écoulé à 22 millions d'exemplaires), Adele a fait son grand come-back avec 30, sorti en novembre. Et la diva britannique a pulvérisé tous les records. En quelques semaines, son nouvel opus est devenu le plus vendu de l'année 2021 aux Etats-Unis et dans pas moins de 20 pays du monde. La reine a plié le game.
"Aux grandes femmes, la Patrie reconnaissante". Le 30 novembre, la chanteuse, actrice, militante antiraciste et résistante Joséphine Baker a fait son entrée au Panthéon. Elle devenait ainsi la première femme noire à reposer au coeur de ce temple républicain. Un beau symbole qui est toutefois venu rappeler l'amère réalité de la (non-)parité : sur 80 personnalités demeurant au Panthéon, elles ne sont que six femmes.
Le 12 novembre dernier, le tribunal de Los Angeles a révoqué la tutelle qui maintenait Britney Spears en captivité depuis 13 ans. Une victoire pour la chanteuse qui a enfin pu raconter les abus et les traumatismes après des années d'emprise et de silenciation.
"Tout ce que je veux, c'est posséder mon argent, que ça s'arrête, et que mon petit ami puisse me conduire dans sa voiture", avait-elle confié face à une juge. Aujourd'hui, la popstar, devenue un symbole féministe, peut reprendre la parole, le contrôle de son corps, de son argent et de sa vie. Elle est libre, Brit-Brit.
Le président de la République Emmanuel Macron l'appelle "l'Inquisition", d'autres "le tribunal médiatique". Cette parole qui fâche parce qu'elle dit la violence et l'innommable, ces mots qui accusent, sont pourtant nécessaires, salutaires, libérateurs. Dès janvier et l'onde de choc provoquée par le livre de Camille Kouchner, La Familia grande, un large mouvement s'est mobilisé autour du fléau de la pédocriminalité. Ce puissant #MeTooInceste et les innombrables témoignages de victimes auront mené à la création de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise).
De la même façon, le mouvement #DoublePeine aura mis la pression sur le gouvernement afin que des mesures soient enfin prises pour un meilleur accueil des victimes dans les commissariats et gendarmeries. La parole se libère aussi du côté de la sphère politique. Et les pancartes violettes de #NousToutes sont redescendues dans la rue pour marteler le ras-le-bol. En 2021, on aura parlé, écrit, crié, donné de la voix. Et on s'est soutenu·e·s, encore et encore.