2020 est derrière nous, vive 2021 ! Après quelques célébrations en petit comité, place aux traditionnelles bonnes résolutions. A l'aube de cette nouvelle année, l'heure serait-elle à la liste interminable de projets et d'habitudes perso à entreprendre d'ici le prochain réveillon ? Oui, et non.
Certes, on ose entrevoir un futur moins limité que les mois qui viennent de défiler (vaccin oblige), mais on n'ira quand même pas jusqu'à prédire 365 jours de voyages et de rencontres comme beaucoup l'ont fait en janvier dernier. Peur que ça porte la poisse, forcément.
Et puis, on se rend compte qu'on veut des changements sociétaux. On aimerait que le sacro-saint "monde d'après" ne soit pas qu'une formule. Que les mentalités bougent, que les lignes aussi. Alors on commence avec soi. En mettant de côté les éternels "cette année, je me mets au cross-fit et j'arrête les fast-foods hebdomadaires" clairement fantasmés, pour se concentrer sur l'adoption de manies étiquetées féministes. Les voici.
On reproche aux féministes d'être en colère, on devrait en fait les remercier. La colère face à l'injustice et aux inégalités n'a rien de malsain, bien au contraire. C'est d'elle que naissent les mouvements sociaux les plus essentiels, car elle est le signe d'une nécessité de changement. Sans colère, pas de mobilisation contre les violences faites aux femmes, pas de Black Lives Matter, pas d'opposition aux gouvernements polonais et américains, dont les décisions sur l'avortement restreignent toujours plus les droits de leurs ressortissantes.
En l'embrassant, cette colère, en l'extériorisant, on participe à faire évoluer la société, à faire prendre conscience d'une réalité qui doit cesser, être réformée. A empêcher des lois liberticides, à mettre en place des solutions pour les plus vulnérables, à tenir nombreux·ses pour responsables de leurs actes.
En 2021, quand on voit le nombre de féminicides perpétrés depuis quelques années, d'appels au 3919 pendant les confinements, de personnes victimes de précarité menstruelle ; quand on sait la façon dont la culture du viol se répand et l'impunité des agresseurs semble souvent inébranlable, les femmes ont encore toutes les raisons, et malheureusement besoin, d'être en colère. Et plus on l'exprimera, dans la sphère privée comme publique, plus vite ces fléaux auront des chances d'être adressés.
Passer son temps à dire "pardon" sans raison se place haut dans le classement des réflexes à abandonner promptement. Une étude datant de 2010 avance d'ailleurs qu'il est beaucoup plus courant chez les femmes, et particulièrement dans le monde du travail. On aurait ainsi une tolérance plus basse aux comportements offensants qui nous pousserait à nous fondre en excuses à la moindre occasion. Même lorsque la faute ne nous revient pas.
On nous rentre dedans, on s'excuse. On pose une question, on commence par "pardon". Les consignes de notre supérieur·e ne sont pas claires, on l'interpelle d'un "désolée, je ne comprends pas". Tout ça, trahit un manque de confiance en soi et un syndrome de l'imposteur·e plus fréquents chez cette (grande) partie de la population. Un tic verbal qui a, en plus, tendance à agacer plutôt qu'à aplanir les angles. Du coup, on le corrige en réfléchissant avant de parler : a-t-on vraiment mal agi ?
Les chiffres sont tombés en novembre dernier. 72 % des salariées françaises ne penseraient pas à demander d'augmentation à cause de la crise du Covid-19, d'après un sondage du site de coaching Chance. Pourtant, leur charge de travail est restée tout aussi importante dans la plupart des cas, voire s'est intensifiée pour certaines. Les hommes, eux, affirment à 54 % qu'ils "n'hésiteraient pas à demander une revalorisation salariale" en plein coronavirus.
La cause de ces réticences et, surtout, de ces inégalités ? De nouveau, ce combo gagnant : un manque d'estime de soi et un syndrome de l'imposteur·e coriaces, mais aussi une modestie excessive au bureau, qui se traduit par la conviction chez les femmes que leurs réalisations parlent d'elles-mêmes. A tort.
En 2021 donc, plutôt que d'attendre un geste qui ne viendra pas si on ne se manifeste pas, on se lève, et on demande à être payée davantage. Parce qu'on le mérite. Et parce que notre action encouragera certainement d'autres à faire de même.
Si oeuvrer pour la libération de la parole est essentiel pour faire avancer les luttes, laisser la place et écouter le vécu d'autrui demeure tout aussi indispensable. Surtout lorsque l'on jouit de privilèges indéniables, et que nombreuses expériences nous sont inconnues.
Pour cela, on insiste : il faut savoir se taire et s'instruire. Pour apprendre une réalité qu'on n'a pas su, ni voulu, voir, pour affronter l'ignorance dans laquelle on a pu se complaire, pour accepter le travail qu'il reste à faire sur son propre comportement afin d'y remédier, aussi. On lit, on se renseigne, on explore. Et on ne délègue pas non plus ce boulot aux premier·e·s concerné·e·s, en les assénant de questions dont on peut facilement trouver les réponses par soi-même (hello, Internet et son puits sans fond d'informations vérifiées).
Rendons-nous service - et aux futures générations - cessons de rougir à chaque fois qu'on prononce les mots "vulve", "vagin", "clitoris". Les parties génitales féminines n'ont plus à souffrir d'un tabou archaïque, même lorsque celui-ci est profondément ancré dans notre société.
Plusieurs mouvements féministes se sont récemment attaqués à cette honte trop commune, soulignant au passage l'absence de représentation correcte de l'organe du plaisir dans six manuels scolaires sur sept (la conséquence, ou la raison, d'une stigmatisation notoire de la sexualité des femmes), et le combat est loin d'être terminé.
Alors à nos ami·e·s, parents, frères, soeurs, partenaires, on prononce sans ciller le nom de notre sexe. Et en même temps qu'on dit adieu aux sobriquets ridicules par lesquels on remplaçait les termes biologiques jadis, on se déleste d'un sentiment de gêne fondamentalement sexiste.
Trop souvent malmené par l'industrie de la beauté et ses néfastes diktats, le corps des femmes est devenu éminemment politique. Et le fait de s'affranchir de ces standards réducteurs pour mieux l'aimer, quasi révolutionnaire. Alors, on s'y attèle. On s'entache à accepter ce qui nous a longtemps déplu. A célébrer, voire à immortaliser pour soi, notre silhouette, notre visage, nos seins, nos cuisses, nos cheveux.
Sans tomber dans l'excès inverse qui pousserait à juger celles qui souhaitent le modifier, ce corps, ou souffrent de complexes douloureux, on prône un amour-propre physique comme mental bienveillant. Et en 2021, on gagnerait à suivre ce terme plus fréquemment.