Drôles, intimes, introspectifs, impudiques, les podcasts se déclinent à toutes les humeurs. Ils nous accompagnent aussi bien dans les transports en commun surchargés de la semaine que dans nos instants de sérénité vacancière. Quoi de mieux effectivement que ces créations audio habilement menées pour stimuler notre esprit, même à l'heure de la désintox numérique ?
"Débranche tout !", chantait France Gall. Cet été, on suit le conseil, mais non sans télécharger quelques bons podcasts avant de déserter les réseaux sociaux et autres boîtes mail. Podcasts au féminin, et podcasts féministes pour certains, où s'enlacent cinéma et insomnies, sexualités et sciences, nostalgie et société. L'idéal afin d'occuper autrement ce temps libre autorisé entre deux baignades. Mais quelles écoutes choisir, au juste ?
Pas de panique, en voici 6 qui vous enchanteront.
4h12, c'est le podcast de toutes les insomnies. Des personnalités (comme le rappeur Gringe) et des anonymes y reviennent sur leur rapport forcément tumultueux au sommeil. Une ville la nuit, c'est peut être beau, mais pas quand votre corps épuisé crie "au secours". Néanmoins, bien des récits intimistes et singuliers se dégagent de ces heures perdues où les yeux ne veulent pas se fermer. C'est ce que démontre la journaliste Margaux Grancher à chaque épisode.
On parie que cette thématique saura vous parler en cette période caniculaire en devenir. Notre coup de coeur ? Un épisode hors-série un peu spécial, en deux volets, consacré aux doudous. Oui oui, ces peluches d'autrefois que bien des adultes ont conservé malgré le passage des années. Le doudou est un vieil ami, un compagnon de sommeil comme d'insomnie. Et l'histoire qu'il porte en lui est aussi touchante que passionnante.
Pourquoi "Septième Science" ? Car le septième art se joue bien souvent des sciences, et de la Science avec un grand s, pour nous faire voyager, nous interpeller, nous fasciner. Science qu'il investit, qu'il préfigure parfois, qu'il détourne volontiers. C'est ce concept dont s'empare la journaliste Perrine Quennesson en interrogeant des voix expertes sur divers sujets : ce que Le jour d'après raconte (ou non) du réchauffement climatique, la pandémie vue par Contagion, la possibilité de (re)créer des dinosaures comme dans Jurassic Park...
Des analyses fines d'autant plus pertinentes en ce temps où bien des synopsis de films catastrophes et de fables S.F. semblent violemment réalistes. Résultat, on déguste cette érudition comme une crème glacée pour nos neurones. Cinéphiles et néophytes aiment toujours à dissocier le vrai du faux au cinéma, surtout à l'heure où les salles obscures nous ouvrent de nouveau leurs portes. C'est pour cela que cette production Binge Audio tombe à pic dans nos oreilles.
Avec un appétit non feint, nous avions dévoré les podcasts de Zazie Tavitian, comme Casseroles. Des épisodes savoureux papotant bouffe pour mieux raconter l'intime, l'histoire et la société. La narratrice revient désormais avec un nouveau "foodcast" bien nommé : Dans le ventre. Parler de nourriture en audio, rien de plus logique pour un média qui délie à ce point les langues et cultive un art sans filtre de l'oralité et de la proximité.
L'originalité de Dans le ventre, c'est d'interroger les artistes, qu'ils remplissent des salles de concert, des restos ou des festivals culturels, pour découvrir ce qu'ils mangent, la place de la nourriture dans leur vie, les madeleines de Proust qui squattent leurs placards bien garnis. Entre deux bouchées de poulet frit, fruits de mer, sandwichs et couscous, ce sont les mots de l'autrice de bandes dessinées Pénélope Bagieu, du chanteur Ben Mazué ou encore du cuistot prodige Mory Sacko (Top Chef) qui ravissent nos esgourdes. On en redemande.
Visible.S, s'envisage comme un moment d'écoute et de partage, et ces mots synthétisent avec clarté ce podcast LGBTQI+ intimiste, bienveillant et collégial, déployant une longue conservation centrale entre quelques chroniques bien senties et percutantes à souhait. Les invité·e·s ? On admire leur parcours et leur militance : la journaliste et critique cinéma Iris Brey (Le regard féminin), l'élue écologiste au Conseil de Paris et activiste Alice Coffin (Le génie lesbien) ou encore Marine Rome, membre de l'asso Les dégommeuses, équipe de foot composée de lesbiennes et de personnes trans.
Bonne humeur, interactions érudites et réflexions piquantes s'entremêlent dans ces échanges bien élaborés. On se plaît également à écouter des voix trop peu (ou mal) mises en lumière, en se disant que les podcasts queer pensés par des personnes queer manquent encore beaucoup dans un paysage audio français aux thématiques pourtant éclectiques. Idéal pour questionner les préjugés et regards d'une société hétéronormée.
Discuter, encore et toujours, c'est là la ligne directrice de ce podcast à l'intitulé en forme de mot d'ordre féministe : Ecouter les filles. Mais écouter qui, au juste ? Les voix artistiques les plus audacieuses et singulières du moment, surtout. Au micro de la journaliste Sophie Rosemont défilent des paroles fortes, malicieuses et engagées, comme celles de Pomme, Clara Luciani, Chilla. Par-delà la musique se mettent à nu d'autres créatrices comme la danseuse étoile Léonore Baulac ou la comédienne, autrice et humoriste Nora Hamzawi.
Un casting largement validé donc. Et qui porte en lui une certaine énergie générationnelle. Chacune des jeunes interlocutrices de ces podcasts très efficaces (une vingtaine de minutes chacun) semble appartenir à une même vague, libérant un identique sentiment d'indépendance, de conscience de soi, d'autodérision et de fierté. On a notamment apprécié les mots doux de Clara Luciani sur la possibilité d'un "militantisme poétique".
Avec son titre vintage nous renvoyant au téléphone rose (et aux pubs télés nocturnes relayant des numéros pour discussions "sexy" mais surtout surtaxées), Hot Line suggère déjà ce qui caractérise son ambiance singulière : un sacre de la parole crue et décomplexée, cul et sororale. Dans ces conversations entre femmes aux allures de radios libres, on discute sexe sans tabou. Sodomie, sextoys, masturbations et éjaculations embarrassantes s'énoncent entre deux rires complices.
Prendre au sérieux "la chose" pour mieux en rire, c'est là la philosophie très sex positive de cette série de confessions intimes et collégiales. A une époque où les sexualités s'expriment autrement, notamment au fil de comptes Insta plus ou moins impudiques, le podcast constitue encore un autre medium pour parler librement, sans craindre la censure et encore moins l'autocensure. On s'en félicite.